Présentation
Il s’agit ici du titre d’un livre, et non pas d’un auteur, dont nous ne savons rien. Regard sur le Purgatoire est le témoignage (révélation particulière) d’un « auteur, qui à la demande de son père spirituel, désire garder l’anonymat ». Cet ouvrage a été préfacé par Monseigneur Henri Brincard (1939-2014), évêque du Puy en Velay, qui « souhaite que cette relation, au delà de sa forme particulière, ravive la dévotion envers les âmes du Purgatoire et favorise de salutaires réflexions ».
Cet ouvrage écrit à la première personne, raconte les visions de son auteur que lui donne son Ange Gardien sur le Purgatoire. De par des éléments de contexte cités dans le livre, on peut penser que l’auteur est un religieux au sein d’un couvent, même si cela n’est pas explicité directement.
La dernière de cet ouvrage partie consiste en plusieurs dialogues entre lui et des âmes du Purgatoire, qui lui racontent l’état dans lequel elles se trouvent, avec leurs joies et leurs peines, leurs souffrances et leurs consolations. Les descriptions sont très proches de celles rapportées par Maria Simma et Catherine de Gênes.
Toutes les références à des numéros ou notes de bas de pages sont issues de l’édition de 1994 aux éditions religieuses Saint-Paul1. Cette page ne contient pas l’ouvrage entier, seulement des extraits.
Description du Purgatoire selon l’auteur
Le Purgatoire est comme une prison de lumière et de feu, bâtie par la Miséricorde divine : l’âme doit y purger la peine de son péché, pour être capable d’entrer ensuite dans la béatitude éternelle. Mais ce qu’il y a de plus remarquable en cette prison, c’est qu’elle est une prison de l’Amour divin qui la convie, et retenir dans son attrait puissant par l’Amour divin qui la convie, et retenir dans son expiation par la Justice divine qui a ses exigences et à laquelle, quoi qu’il lui en coûte, elle doit et veut satisfaire.
De sorte que la seule clôture, toute mystique, de cette prison est la Justice divine : toute la condition de l’âme au Purgatoire – et, par là, sa souffrance – est de se livrer amoureusement à Dieu, qui l’attire avec une puissance d’amour tout en lui manifestant les exigences de sa justice. Et l’âme brûle de se jeter dans l’Amour infini, mais elle ne le peut tant qu’elle n’a pas réglé toutes ses dettes envers la Justice divine : c’est cela, le Purgatoire.
J’ai vu qu’une âme préférerait mille et mille fois rester jusqu’au jugement dernier dans l’expiation du Purgatoire, plutôt que de risquer (si cela était possible) de paraître dans l’intimité de Dieu sans avoir réglé la totalité de sa dette envers la Justice divine : elle préfère être purifiée, et voir son vêtement lavé et relavé, plutôt qu’arriver au festin éternel du Ciel avec la plus petite macule sur sa robe. Mais en fait, cette question ne se pose pas pour les âmes du Purgatoire, car elles ont une vue si nette sur elles-mêmes et sur la Miséricorde divine, qu’elles se remettent totalement à Dieu en toutes choses, lui laissant en tout la conduite de leur purification et l’initiative de leur délivrance.
Les trois niveaux du purgatoire
Le Grand Purgatoire
Comme je venais de me coucher et récitais quelques prières pour les saintes âmes du Purgatoire, mon Ange gardien se montra près de moi ; il dit avec gravité2 :
“Vois, mon enfant, et prie beaucoup ! »
Je vis des yeux de l’âme un feu effroyable sans limite ni fond qui brûlait sans jamais varier, dans un silence pesant. Pas un crépitement, ni même un ronflement sourd comme en ont en général les brasiers, rien, sinon ce feu qui semblait fixe, d’une intensité permanente, d’une violence et d’une ardeur toujours égales. Je ressentais dans tout mon corps les brûlures de ce feu, et une soif ardente dans ma bouche. Cela m’épouvanta. Cette peur s’accrut encore quand je vis dans ce lieu des milliers et des milliers de pauvres âmes serrées là les unes contre les autres, mais n’ayant entre elles aucune communication, sinon ce feu lui-même. Elles semblaient oppressées et, si l’on peut dire, écrasées par ce brasier dans lequel elles se tenaient.
En même temps, il m’était donné de connaître diverses choses. Ce que je contemplais ainsi, c’est le Grand Purgatoire, qui est — si j’ai bien compris — comme l’enfer, moins l’éternité des peines et la haine à l’encontre de Dieu et des autres âmes, moins le désespoir. Cet état si terrible ne peut s’exprimer, je l’ai perçu ainsi.
Les âmes y sont, dans ce Grand Purgatoire, en permanence plongées dans l’espérance à l’état nu et aride, comme liées et enfermées en ce feu de l’Amour divin par une grande solitude, dans la nue disponibilité au Pur Vouloir divin, dans un douloureux mais serein face-à-face avec la Sainteté de Dieu. Il me semblait que ces âmes fussent tournées en Dieu de façon confuse, c’est-à-dire sans le percevoir selon un mode précis, et simplement établies en son Pur Vouloir selon un mode très douloureux. Si je ne me trompe, j’ai vu qu’elles étaient en cet état plus purifiées que consolées, plus brûlées qu’éclairées : c’est un état terrible. J’ai pu comprendre qu’en ce Grand Purgatoire, le plus important pour les âmes qui s’y tiennent, est un long travail de destruction permanente de cette gangue dont j’ai déjà parlé, et qui est la peine du péché. C’est une purification très passive, d’une certaine façon, bien que l’âme y coopère de toutes ses forces par l’union parfaite de tout son être, de tous ses désirs et de toute sa volonté, au Pur Vouloir de Dieu.
Mais là, l’âme ne peut ni mesurer sa purification, ni percevoir le travail progressif de cette purification opérée en elle par l’Amour divin. Elle ne ressent dans ce Purgatoire ni le moindre progrès, ni le moindre allègement de ses tourments : elle ne sait nullement si cette peine sera longue ou non. Elle a une connaissance de son état simplement assez précise pour savoir qu’elle espère parce qu’elle est sauvée, et qu’elle sortira de ce lieu de purification, mais elle ignore quand. Elle ne peut apprécier la durée de cette peine ni mesurer les étapes de sa purification.
Grâce à cette connaissance confuse, mais très vive, de son état, l’âme qui se trouve dans le Grand Purgatoire est comme immergée dans un mystère de profonde solitude. Mais elle sait également qu’elle n’est pas abandonnée de Dieu, ni de la Sainte Église. Ses connaissances sont toutefois d’un ordre si général qu’elle ressent cruellement son état, ne pouvant trouver aucune consolation autre qu’une espérance aride, car ses puissances sont, mystérieusement, comme liées en leur exercice, incapables d’autre chose qu’une aveugle soumission aux exigences de la Sainteté de Dieu.
C’est un état très douloureux que celui du Grand Purgatoire, mais il y a là comme des consolations. Le première est la plus importante, qui constitue l’espérance même des âmes du Purgatoire : c’est tout simplement de se savoir sauvées, certitude totale et pacifiante, source de consolations, de paix, de bonheur, de reconnaissance envers Dieu et de désir de le glorifier.
Mais il y a aussi comme des lueurs brèves et comme des éclairs plus lumineux en ce feu d’une violence et d’une couleur très impressionnantes : car là, c’est comme dans une forge, le feu est presque noir tant il est ardent. C’est du moins ainsi que j’ai pu le contempler. Le Seigneur a sans doute voulu me faire comprendre, par cette image symbolique, les effets de ce feu plus purificateur qu’éclairant pour les âmes qui s’y trouvent immergées. Il y a donc dans ce feu comme des lueurs, échos très lointains, très assourdis, de l’allégresse du Ciel et de la prière de l’Église Sainte pour les âmes du Purgatoire. Mais dans ce Grand Purgatoire, les âmes ne ressentent nullement de façon permanente les soulagements que leur procurent les suffrages en leur faveur ; par ailleurs, et ce leur est un tourment inouï, les âmes sont plongées dans un tel désir de Dieu, constamment avivé et excité, qu’elles en souffrent par le fait même qu’elles l’éprouvent, ne pouvant pas du tout percevoir combien Dieu y répond amoureusement.
Ces pauvres âmes du Grand Purgatoire ne jouissent pas non plus d’une certaine autre consolation très suave dont sont favorisées les âmes dans le Moyen Purgatoire, et surtout dans le Parvis : elles n’ont pas la joie de voir la Vierge Marie ni les saints, qui prient pour elles dans le Ciel, et elles ne font qu’entrevoir parfois — comme dans un éclair — leurs Anges gardiens qui prient sans relâche pour elles. À l’occasion de certaines fêtes liturgiques, elles entendent comme un écho très étouffé de l’allégresse des habitants du Ciel, qui les encouragent et les consolent.
Je dis voir et entendre pour exprimer un certain type de relations et d’échanges dont le mode nous est inconnu, mais qui n’en existent pas moins, comparables à la façon dont les anges et les saints voient la Face de Dieu et entendent sa Parole, et dont ils communiquent entre eux.
Quant aux suffrages de l’Église militante en leur faveur, ces âmes qui expient dans le Grand Purgatoire n’en perçoivent strictement rien. Ces suffrages leur sont néanmoins appliqués, mais elles ne le savent pas ; ils ont surtout pour effet d’abréger la durée du Grand Purgatoire.
Tout en contemplant ce mystère, je priais avec ferveur pour ces âmes souffrantes et suppliais mon Ange gardien de joindre sa prière à mon imploration. Comment est-il possible de supporter d’aussi grands tourments, des souffrances si denses ? L’Ange me tenait fermement le bras ; c’est là sans doute une image, destinée à me faire comprendre qu’il me réconforte, m’assiste, et me communique de la part de Dieu la grâce de contempler ces réalités surnaturelles. Mais je ne sais comment je peux, en ces occasions particulières, percevoir ses gestes, ces grâces d’ordre spirituel qui ont une forme d’expression concrète. Et il me dit alors, sur un ton de profonde gravité :
Tu sais que la plus petite faute est une offense infinie à Dieu. Ces saintes âmes le savent également, et elles ne cessent, au milieu de leurs souffrances, de rendre grâce au Très-Haut pour la légèreté de leur peine. Car la peine est finie, alors que l’offense est infinie, et qu’il n’y a pas eu seulement une offense, mais souvent un grand nombre d’offenses infinies !
Il y a dans le Grand Purgatoire de très grands pécheurs, certes, mais il s’y trouve en règle générale toutes les âmes qui ont reçu beaucoup de grâces et qui n’ont pas su y correspondre, des âmes qui ont dû assumer de lourdes responsabilités et qui n’ont pas été capables de le faire parfaitement. C’est pourquoi tu verras dans le Grand Purgatoire un très grand nombre de prêtres et d’âmes consacrées, prélats, évêques, cardinaux, et même des papes. Tu y verras aussi nombre de dirigeants politiques, de chefs d’État et de conducteurs de peuples, rois, empereurs, princes, gouvernants.
Toutes ces pauvres âmes doivent subir les peines du Grand Purgatoire, à côté de criminels, de débauchés, de tous les grands pécheurs que la Miséricorde divine a sauvés, qui ont pu — souvent à la dernière heure — échapper à l’Abîme éternel…
Prie, prie beaucoup, et fais prier pour ces âmes ! Priez aussi très spécialement pour les consacrés et pour vos dirigeants, car ils ont des comptes précis à rendre à Dieu. Reste dans la paix, ne crains rien, sois fidèle !
Lorsqu’il eut achevé cet enseignement, le mystère du Grand Purgatoire se referma sur lui-même, tandis que des voix chantaient avec un accent de grande tristesse : “Mon âme a soif du Dieu vivant : quand donc viendrai-je et paraîtrai-je devant Lui ? »
Puis toutes ces choses s’effacèrent à ma vue intérieure. Je constatai que, durant ces visions, ma peau était devenue rouge et me cuisait comme si j’avais eu un coup de soleil, et que mes mains et mes lèvres étaient gercées. Deo gratias ! Le Seigneur permet parfois ces signes extérieurs, fort secondaires, pour dissiper le doute qui tente. Si de tels signes sont désagréables, ou même douloureux, ils constituent une petite offrande en faveur de ces saintes âmes : leur sens, leur valeur, sont peut-être surtout en cela.
Le Moyen Purgatoire
Tard dans la soirée, alors que je me trouve dans le silence et la solitude pour prier un peu à l’intention des âmes du Purgatoire, l’Ange gardien, tout environné de lumière, se manifeste auprès de moi. Étendant la main, il dit:
Vois, mon enfant; et prie beaucoup !
J’ai vu alors, des yeux de l’âme, une mer de feu s’ouvrir devant moi. Elle grondait, d’immenses flammes très claires se font et se défont sans cesse, crépitant et sifflant avec une telle force que j’en ai les oreilles vrillées. Et là, des milliers et des milliers d’âmes tendent les mains, immergées dans le feu et fustigées par les flammes qui les soulèvent dans une sorte d’élan impétueux. Ce spectacle me fait reculer, je prie avec le plus d’application possible, mais il me semble que ce feu atteint mon corps même, que des lanières de feu me giflent sans relâche, et ma bouche est sèche et dure, je suffoque…
Il me semble que toutes les âmes que je vois – des foules ! – sont dans ce supplice de suffocation, et ce n’est pas du tout quasi statique comme un mouvement très discret et violent à la fois, presque insensible en ses manifestations, et pourtant fort dynamique : les âmes sont dans ce mouvement, je crois qu’elles en ont une perception confuse, très douloureuse. Il y a comme un mouvement de l’âme en ce Moyen Purgatoire, un début d’acheminement vers le Ciel, mais sans le moindre désir personnel ; c’est comme un élan intérieur qui les porte ou même les pousse vers Dieu, élan imprimé par un mouvement de l’Amour Infini sur elles et en elles, comme si Dieu se penchait sur elles pour les tirer à soi. Tout cela est difficile à exposer.
Dès le début de cette contemplation, j’ai compris qu’il s’agit là du Moyen Purgatoire, dans lequel les âmes me sont montrées comme plongées dans les flammes mouvantes d’un feu clair. Elles sont seules, se tenant devant la Majesté et la Sainteté de Dieu, dans une indicible espérance qui est leur consolation. Il leur est permis de percevoir Dieu en ses miséricordes, pour lesquelles elles ne cessent de le glorifier.
Elles ont de Dieu des connaissances plus précises que celles qu’ont les âmes dans le Grand Purgatoire, et elles sont purifiées, certes - et par là souffrent beaucoup -, mais aussi éclairées, ce qui les console et leur permet de glorifier Dieu non seulement en se livrant de façon radicale à Lui et à son Pur Vouloir, mais en prenant comme une initiative de reconnaissance. C’est un état de grandes souffrances et de grandes consolations. Dans le Grand Purgatoire, les âmes sont livrées passivement au Pur Vouloir de Dieu, dans une aride espérance toute nue ; ici, dans le Moyen Purgatoire, elles sont attirées et le perçoivent à l’évidence ; pourtant elles ne peuvent s’avancer vers Celui qui les attire, elles sont tout à la fois violemment attirées et fermement retenues.
Mais elles se tiennent dans une radicale disponibilité à l’Amour divin, accueillant avec reconnaissance ce feu, ces souffrances, cet intime déchirement, ne supputant nullement l’intensité ni la durée de leurs peines, dont elles n’ont strictement aucune connaissance, aucune idée ; elles pâtissent sans savoir combien ni pour combien de temps. Les âmes du Purgatoire n’ont aucun regard sur elles-mêmes et n’ont pas la capacité, ni même la volonté ou le simple désir de se poser des questions. Elles aiment, prient et expient par amour, dans une amoureuse disponibilité aux exigences de la Sainteté de Dieu.
Ces âmes, dans le Moyen Purgatoire, souffrent beaucoup. Je crois que plus l’âme est attirée par Dieu, vers le terme de son Purgatoire, et plus le désir de Dieu devient ardent en elle, et lui cause des peines toujours plus vives : plus on se rapproche d’un but, et plus on a hâte de l’atteindre. Il en est ainsi dans le Purgatoire, mais Dieu ne fait pas savoir l’heure de la délivrance ; seule la souffrance d’amour se fait toujours plus impétueuse et brûlante, alors que les peines du sens disparaissent progressivement. Dans le Moyen Purgatoire, les âmes jouissent de consolations et de joies très grandes, qui non seulement les comblent d’allégresse et de reconnaissance, mais encore enflamment leur désir de voir Dieu, et attisent de cette façon cette grande souffrance du désir de Dieu.
La première de ces consolations est la perception qu’ont ces âmes de l’infinie tendresse de Dieu pour elles. Elles perçoivent les élans de l’Amour divin qui les attire, les ressentant comme jubilation et souffrance à l’intime d’elles-mêmes ; leur charité en est élargie, non en soi, mais dans ses applications. Car il leur est, de temps à autre, montré les suffrages qui leur sont appliqués, les prières, les bonnes œuvres qui montent de la terre vers le Trône de la Trinité divine et qui leur sont destinées : elles jubilent et rendent grâces.
Mais aussi, inversement, elles peuvent voir que certaines personnes ne prient pas ou les ont complètement oubliées : elles en sont affligées, non pour elles-mêmes, mais pour ces personnes qui se privent ainsi de grâces précieuses, et surtout pour la gloire de Dieu qu’elles voient fort peu servie et adorée, négligée ; et cela leur est une grande douleur que de voir que Dieu n’est pas aimé, et glorifié comme il devrait l’être. Une autre consolation pour ces saintes âmes du Moyen Purgatoire est d’y recevoir de fréquentes visites de la Très Sainte Mère de Dieu, qui vient là pour réconforter, assister, et surtout apporter l’espérance dont elle est la douce Mère ; messagère de l’Amour divin, la Vierge Marie va au Purgatoire à chacune de ses fêtes, et elle en délivre alors toujours un grand nombre d’âmes ; mais le Grand Purgatoire n’a pas la consolation de la voir, alors que les âmes du Moyen Purgatoire bénéficient de ses visites régulières ; elles ont aussi, de façon générale, la joie de voir très souvent tantôt leurs anges gardiens, tantôt leurs saints patrons, qui les exhortent à la patience et à la paix, et surtout les stimulent à tant de charité et de reconnaissance !
Il m’a été montré aussi que ces saintes âmes du Moyen Purgatoire reçoivent parfois du Seigneur la permission de se manifester à nous ici-bas, soit pour nous faire découvrir le mystère du Purgatoire, soit pour appeler à prier, soit même pour nous avertir de certains dangers, qui leur sont montrés par la miséricorde du Seigneur. J’ai vu très clairement que ces manifestations que l’on connaît mal, que l’on appelle parfois fantômes, sont souvent des appels d’âmes du Purgatoire. Souvent, mais pas toujours : Satan est le père du mensonge, le maître de l’illusion et de la fraude. J’ai vu aussi que tous les prétendus revenants qui se manifestent lors de séances de spiritisme ne sont jamais des âmes du Purgatoire : ce sont des esprits diaboliques qui empruntent le nom ou même parfois l’apparence de personnes connues, pour mentir, jeter le trouble, fausser, le jugement des gens, etc. Le spiritisme est une émanation de l’enfer, une véritable religion, satanique, basée sur la vanité, la curiosité et le mensonge… Il fait des ravages et l’heure actuelle.
L’Ange gardien qui se tient près de moi, me réconforte et m’éclaire, disant avec douceur :
Tu peux contempler le Moyen Purgatoire, qui est un état moins terrible que le Grand Purgatoire. Mais il ne faut pas penser qu’il s’agit là de deux degrés, ou de deux états indépendants ; en général, toutes les âmes qui doivent subir ces peines passent par le Grand Purgatoire avant d’entrer dans le Moyen Purgatoire. Très rares sont les âmes qui ne passent pas par le Grand Purgatoire. Elles y demeurent plus ou moins longtemps, parfois une minute, parfois des années, voire des siècles.
Le péché est une offense infinie à Dieu… Souvent, dès le jugement particulier, l’âme va dans le Grand Purgatoire : elle y est comme hébétée et écrasée, car c’est pour elle la découverte du péché, de sa gravité, de ses effets, de ses implications. À cette vue, l’âme est comme paralysée : immobile, elle contemple tout à la fois la justice de Dieu s’exerçant sur elle et la miséricorde de Dieu qui lui a valu d’être sauvée.
Puis elle se met en mouvement vers Dieu, qui l’attire, qui l’entraîne dans l’élan de son amour infini : c’est là qu’elle passe dans le Moyen Purgatoire. Dans le Moyen Purgatoire, l’âme reste confrontée à l’Amour, mais elle contemple cet Amour infini qui l’attire, elle le voit répandu en plénitude en elle, certes, mais aussi dans l’Église entière : dans le Moyen Purgatoire, l’âme sort d’elle-même et découvre tout ce que signifie son appartenance à l’Église.
Tu verras dans ce Moyen Purgatoire des âmes de tous rangs, âges et temps. Il faut sans cesse prier pour elles, il faut prier pour toutes les âmes du Purgatoire ! »
Alors le mystère du Purgatoire se referma à ma vue intérieure et, dans le lointain, j’entendis des voix qui chantaient : « Tout mon désir est devant toi, Seigneur ! Mon gémissement ne t’est pas caché » (Ps 38, 10).
Le Parvis du Ciel
Après l’oraison, l’Ange me conduit dans la vision du Parvis du Ciel, qui est comme le sommet du Purgatoire, un monde de lumière brûlante et de paix. Il m’a été manifesté comme une sorte d’étendue de feu très pâle, d’une intensité et d’une profondeur indicibles, immergée dans la lumière qui coule du Ciel sur lui. J’y ai vu des milliers de milliers d’âmes en prière, calmes, plongées dans un amour et une souffrance inouïs. Mon âme est plongée aussi en ce feu qui la dévore au plus intime et qui me semble couler dans mes veines à longs flots ardents. Tout le corps me brûle, mais une douce sérénité envahit en même temps mon âme, et je prie en silence.
On ne peut pas dire ce qu’est le Parvis : c’est la souffrance de l’amour portée à son paroxysme, un pur pâtir d’amour, la jubilation la plus totale, la plus suave, alliée à la souffrance la plus terrible, la plus lancinante. Mais je ne peux en dire davantage. Les âmes, dans le Parvis, sont attirées avec un élan indicible par l’Amour qui se saisit d’elles, les tire, les imprègne et qui se communique en surabondance ; et elles, elles répondent avec ardeur, se livrant totalement à cette attraction de l’Amour divin qui les ravit et les captive, et que pourtant elles ne peuvent pas encore joindre. Et c’est là ce sommet d’amour qu’elles expérimentent, ce pur pâtir d’amour.
Dans le Parvis, il n’est pas d’autre peine que celle-ci, mais quelle intensité ! Les âmes ont, dans le Parvis, de grandes et constantes consolations, qui sont aussi une véritable torture d’amour : l’Amour se livre et elles ne voudraient que lui répondre, et ne le peuvent encore pleinement. Et l’Amour donne tout, elles reçoivent tout, mais ne peuvent le saisir. Comment l’expliquer ? Ces saintes âmes sont dans une jubilation constante, dans l’allégresse : elles glorifient Dieu et se livrent à son attraction amoureuse, et sont comme dans une agonie d’amour, à ne pouvoir le glorifier comme il doit l’être — car cela, elles ne le pourront qu’au Ciel —, et à ne pouvoir s’unir à Lui, qui les appelle, qui les attire et les attend dans une langueur d’amour inouïe.
Il n’y a plus, dans le Parvis, aucune autre peine : toute la souffrance s’est coulée, si l’on peut ainsi dire, dans l’amour, elle s’est unifiée, la souffrance et l’amour vont se joignant dans une totale simplification ; lorsque le dernier atome de ce qui est encore souffrance, et langueur, et désir, a été consumé par l’Amour et enfin par lui absorbé, c’est le Ciel qui s’ouvre.
Mais ces saintes âmes ne savent pas quand. Elles n’ont nulle perception, ni pour la durée ni pour l’intensité de ce qu’elles endurent ; elles souffrent d’amour et aiment dans la souffrance, je ne sais comment le dire. Elles se livrent à la flamme de l’Amour, qui les brûle, les éclaire, les illumine, les fait agoniser du désir de l’Amour. Elles perçoivent l’Amour, et reçoivent ses dons, ses caresses, ses manifestations, et elles ne veulent cependant que lui, pour être enfin à lui et le saisir, et ne plus le quitter.
Le Parvis est comme un avant-goût du Ciel, c’est pour cette raison qu’on lui donne ce nom. Mais il y a, en cet avant-goût, autant de souffrance que d’amour, et quelle souffrance ! Au Ciel, il n’y a plus aucune souffrance ni ombre de peine, mais là, il semble que toute la souffrance, toute la peine se soient concentrées et unies, au seul service de l’Amour. Je voudrais trouver des mots de feu pour dire cela ! Mais le langage humain est impuissant à traduire ce qu’il ne connaît pas, et qui — même dans les extases et ravissements les plus sublimes — ne peut être connu de l’âme que d’une façon approximative et passagère.
Dans ce Parvis, les âmes jouissent de très grandes consolations qui sont autant de stimulants à leur désir d’amour. Elles contemplent continuellement leurs anges gardiens qui se tiennent auprès d’elles, les incitant à une incessante jubilation et action de grâces ; elles sont favorisées de visites des saints, notamment leurs saints patrons et saint Joseph, l’archange Michel — qui est le grand ange du Purgatoire —, et surtout la Vierge Marie qui, très souvent — notamment aux jours de ses fêtes liturgiques et tous les samedis — vient là pour consoler ces saintes âmes, leur apportant la félicité du Ciel, l’espérance, les flots de l’amour divin. Ces âmes, émerveillées de reconnaissance, et ivres d’amour et de langueur, font fête au Ciel, elles participent presque aux liturgies célestes dont elles perçoivent à tout moment les harmonies et les splendeurs, ce qui avive encore leur douleur d’amour et leur désir de Dieu.
Il me semble qu’elles ont tout ce qu’a le Ciel, sauf la vision et la possession de Dieu, et c’est ce seul manque qui est la cause de leur pâtir d’amour si terrible : car seule la vision et possession du Souverain Bien peut rassasier l’âme et, en recevrait-on les dons les plus sublimes, on reste dans la langueur d’amour quand on n’a pas à jamais Celui qui est notre unique Bien, l’Amour infini.
J’ai vu aussi que ces saintes âmes dans le Parvis sont très éclairées sur la situation et les nécessités de l’Église militante, et qu’elles prient Dieu à nos intentions : on oublie trop que les âmes du Purgatoire prient Dieu à nos intentions et pensent à nous, bien plus que nous ne le faisons pour elles ! Elles demandent le plus grand bien pour nous, c’est à dire la plus grande gloire de Dieu, et elles sont d’une extrême sollicitude à notre égard.
Aussi reçoivent-elles parfois, suivant les nécessités de l’Église, ou de telle ou telle âme, la mission très particulière de se manifester à nous, de prévenir, d’exhorter, ou simplement d’attirer notre attention sur le mystère du Purgatoire et de demander prières et bonnes œuvres. Je ne peux en dire plus là-dessus, puisque j’ai tout dit et qu’il ne m’est pas possible d’en exprimer davantage, encore que ce que je puisse voir est infiniment plus clair et supérieur à ce que je suis capable d’en dire : mais il me faudrait des mots que je ne puis posséder…
Mon âme était immergée dans cette contemplation suave et douloureuse. À un moment, l’Ange me dit :
“Tu as contemplé le Parvis du Ciel. C’est le royaume du pur amour et de la nue souffrance, les âmes s’y avancent vers la Jérusalem céleste, elles se portent au-devant de leur Roi. Elles y restent plus ou moins longtemps, mais jamais autant que dans le Grand ou le Moyen Purgatoire, car l’intensité des langueurs d’amour du Parvis constitue une rapide et dernière purification.
Il faut beaucoup prier pour ces saintes âmes, et surtout offrir vos communions pour elles : cela aide puissamment à leur délivrance. »
Le Parvis fut effacé à ma vue intérieure, j’entendais les âmes qui chantaient d’une voix suave, tandis que je demeurais dans l’action de grâces.
“Tu as préservé, Seigneur, mon âme de la mort, pour que je marche devant toi dans la lumière des vivants !” (Ps 56, 14)
Nombre d’âmes au Purgatoire, sort des enfants avortés
Je ne crois pas qu’il soit irrespectueux de comparer le Purgatoire, d’une façon très imparfaite, certes, à une ruche d’or placée dans le jardin de Dieu et animée d’un incessant va-et-vient. Ruche d’expiation dans laquelle les abeilles butinent aux parterres fleuris de la Miséricorde ; ruche de prière, où elles font le miel de leur gloire céleste grâce à la prière de l’Église à leurs intentions, et d’où enfin elles prennent leur envol vers le Ciel, à jamais. Il m’a été montré que dans le seul Purgatoire, il y a constamment un nombre d’âmes bien supérieur à celui des personnes encore sur la terre ! Et des foules et des foules y arrivent chaque jour, d’autres le quittent pour s’élever dans les splendeurs du Ciel. J’ai vu également qu’il y a bien plus d’âmes au Purgatoire que dans l’enfer, bien que celui-ci soit malheureusement trop peuplé; on ne peut se faire une idée du nombre impressionnant d’âmes qui se perdent !
Et si la certitude qu’il y a plus d’élus que de damnés doit nous consoler - et nous inciter à rendre grâces au Seigneur - elle ne doit pas pour autant nous faire oublier que l’enfer existe, et que trop d’âmes se perdent : si l’on savait cela, on changerait radicalement sa vie… Mon saint Ange gardien s’est montré, et il m’a dit plusieurs choses que je note en partie ici, pour leur valeur instructive :
“Un nombre d’âmes toujours plus grand sombre dans les abîmes de l’enfer éternel… Le danger de vous damner va sans cesse croissant, à cause des aberrations de votre façon de vivre, de ce que vous nommez à tort, avec autant d’aveuglement que de vanité, l’essor de la civilisation. Est-ce un progrès, que cette société qui attache plus d’importance à ce qui passe, aux satisfactions éphémères et trompeuses, qu’aux vérités éternelles et à la vie de l’âme en Dieu ? Il n’est pas une âme sur dix qui travaille à son salut ! »
Très sévèrement, l’Ange poursuivit sur un autre thème, qu’il aborde fort rarement, sans doute à cause de son aspect prophétique :
« Vous allez au-devant d’une période très grave : à cause des attentats perpétrés directement contre la vie, et contre les sources mêmes de la vie, Dieu est près de châtier l’humanité à la mesure de ses crimes effroyables. Vous allez au-devant des rigueurs de la justice divine ! »
Il me montra alors une pluie serrée d’âmes qui s’élevaient vers une sorte de clarté très douce ; je compris que c’étaient là les centaines de milliers d’enfants tués volontairement dans le sein de leurs mères… Ces petits innocents ne vont pas au Ciel, mais dans ce que l’on appelle, de façon traditionnelle, les limbes : c’est un Ciel sans la gloire de la vision béatifique de Dieu, ou un enfer sans nulle souffrance, je ne sais comment l’expliquer. Il y a là une forme de bonheur qui n’est pas cependant la béatitude céleste. C’est dans les limbes3 que vont ces petits qui n’ont pas connu la vie hors de leurs mères, et aussi les petits enfants morts lorsqu’ils n’ont pas reçu le baptême. Les limbes, c’est un peu comme le Ciel de l’innocence, où toutes ces petites âmes jouissent du bonheur qui leur est accessible, mais qui est limité ; elles ne le savent pas. Je crois qu’à la fin des temps, les limbes seront comme récapitulés dans le Ciel, mais je ne sais pas comment. Tous ces petits êtres chanteront, si l’on peut dire, la gloire de Dieu par le fait d’être vivants et, par là, de participer à la Vie, qui est don de Dieu.
Cette vue des limbes fut un peu triste pour mon âme ! Puis l’Ange dit encore, avant de disparaître :
“La sainteté de Dieu a envers vous de grandes exigences. Vous oubliez trop souvent… Vous oubliez que vous êtes créés à l’image et à la ressemblance de Dieu ! Vous oubliez encore davantage que vous êtes rachetés dans le Sang du Christ.
Mais la Trinité divine va susciter parmi vous une armée de saints, un grand nombre d’adorateurs, qui mépriseront tous les vains attraits du monde pour se consacrer uniquement à la glorification de Dieu, et pour travailler dans le silence et la prière au salut de tous leurs frères.”
Oui, la Miséricorde divine touchera nombre d’âmes qui fermeront les oreilles aux clameurs du monde et entendront enfin les appels à la conversion que ne cesse de vous adresser le Seigneur. Et, par leur unique désir de la Gloire de Dieu, les saintes âmes du Purgatoire travaillent à vous obtenir cette floraison de sainteté pour le temps qui vient… Vous le comprendrez plus tard. »
L’Ange se tut, puis il disparut à ma vue intérieure, me laissant dans la paix et la consolation. Que nos prières hâtent cette floraison de sainteté !
Durée du Purgatoire
Les âmes éclairs
Puis l’Ange me montra encore quelque chose : des âmes venaient d’ici-bas et entraient dans le Purgatoire pour en ressortir tout aussitôt et s’élever, radieuses, vers le Ciel. Cela me remplissait d’émerveillement, et mon Ange m’expliqua tout heureux :
Ces âmes saintes, qui passent à peine au Purgatoire, nous les appelons des « âmes éclairs » : on a juste le temps de les voir passer au Purgatoire, pour se plonger rapidement dans le feu, puis s’immerger rapidement dans la purification, puis elles entrent presque aussitôt dans la Jérusalem Céleste.
Temps moyen passé au Purgatoire
[…] l’Ange poursuivit :
“Lorsque vous évoquez les fins dernières, vous perdez bien souvent votre temps en discussions stériles, en spéculations hasardeuses, ou en raisonnements étroits et faux : de vaines parlottes!
Une très grande discrétion est nécessaire à ce sujet: on donne souvent trop d’importance à l’imagination, qui échafaude le Ciel, le Purgatoire et l’enfer comme on dresserait un décor de théâtre !
Vous ne pouvez savoir ce qu’est le Purgatoire : il vaut mieux rester plus longtemps sur la terre, et souffrir avec amour et résignation les pires maux, plutôt qu’aller au Purgatoire ne fût-ce qu’une heure.
Une heure de Purgatoire est terrible, et bien plus longue qu’une année des plus grandes souffrances sur la terre; et les douleurs les plus atroces dans votre vie sur la terre sont un baume, à côté de celles qu’endurent les pauvres et saintes âmes du Purgatoire! Oui, les peines du Purgatoire sont terribles, elles sont incomparablement plus grandes que tout ce que vous pouvez subir sur la terre : mais on ne peut les comparer, car elles appartiennent à deux ordres différents.
Et songe que la plus grande partie des âmes doivent rester trente ou quarante ans au Purgatoire ! Tu comprends combien il faut prier pour elles…”
L’Ange se tut, puis disparut à ma vue intérieure.
Plusieurs âmes racontent la durée et l’intensité de leur purgatoire
Au terme de l’oraison, une âme qui vient parfois se recommander à nos prières est apparue devant moi, dans une grande lumière. Elle était radieuse et m’a tendu les mains en disant :
“Ah, mon enfant ! Merci pour toutes vos prières, pour les saintes messes à mon intention et surtout pour les visites aux malades : vous y avez acquis bien des mérites, et cela m’a été aussi un grand secours ! À présent, je vais au Ciel.
Mon âme était ravie par cette vision et ces paroles consolantes. Je l’ai manifesté à cette personne, qui m’a parlé encore :
Je suis restée treize ans au Purgatoire, treize ans de brûlant désir de Dieu dans cette lumière purifiante du Parvis. Et maintenant, je vais vers mon Sauveur !”
Je lui ai dit que cela faisait beaucoup de temps, et qu’il était difficile pour nous de tenter seulement de l’imaginer, de s’en faire une idée. Elle a souri et répondu :
“Oh non, ce n’est ni peu ni beaucoup, c’est juste. Vous ne pouvez pas très bien comprendre, mais ici, au Purgatoire, le temps et l’intensité des peines sont tout un. Notre plus grande souffrance est la nostalgie de Dieu.
Plus on attend quelqu’un que l’on aime, plus le temps semble passer lentement, et plus notre souffrance d’attendre est grande. Eh bien, c’est un peu cela, le Purgatoire.”
Comme elle parle, je vois une grande clarté rayonnante s’ouvrir juste au-dessus d’elle ; des anges vêtus de blanc et couronnés de roses rouges y apparaissent, précédant la très Sainte Vierge, François d’Assise — dont les plaies sont comme des soleils embrasés —, et les deux saintes amies de cette âme : Thérèse d’Avila et Thérèse de l’Enfant-Jésus. L’âme soupire, et un élan puissant la porte vers la Vierge Marie, qui lui ouvre les bras. Je la vois agenouillée aux pieds de notre Mère Immaculée, elle se tourne vers moi et parle encore :
“Je vais te dire ce qu’est le Purgatoire : c’est la configuration de l’âme à sa véritable dimension d’éternité, cette dimension plénière en Jésus crucifié et glorifié, dimension mesurée par l’amour et inaugurée au baptême. Et cette configuration s’achève au Purgatoire, dans une longue et douloureuse purification. Remercie tous ceux qui ont prié pour moi avec toi. Je ne vous oublierai pas au Ciel.”
Et tout disparaît à ma vue intérieure, je reste dans la jubilation de l’action de grâces.
Jugement particulier d’un mourant
Je veillais une personne qui mourait. Silence et prière, car les mots restent vains dans ces instants mystérieux où la personne a perdu connaissance et se trouve tout près du passage. À cette occasion, le Seigneur a voulu me donner des lumières sur le jugement particulier de l’âme4. Mon Ange gardien se tenait là, près de moi, visible au regard de mon âme. Il me soutenait et me guidait. Dès que cette personne — un adolescent — mourut, je vis son âme quitter tout doucement le corps. J’ai compris en contemplant cela pourquoi on nomme le corps une dépouille… Alors l’âme s’est trouvée instantanément en présence d’un incomparable éclat de lumière, un flamboiement de lumière aveuglante.
Mon Ange gardien m’a dit à ce moment :
« Cette lumière resplendissante est la Gloire de Dieu, c’est-à-dire l’éclat de Sa Sainteté. Dès l’instant où l’âme se sépare du corps, elle est en présence de la Gloire de Dieu : elle ne voit pas Dieu, mais l’éclat de Sa Sainteté.5 »
Je pouvais alors comprendre, par une vue intellectuelle très claire, un ensemble d’opérations qui se produisent non pas successivement, mais tout ensemble, au-delà de toute appréciation de temps ou de durée. D’abord, j’ai vu l’âme toute pénétrée et comme transpercée par les traits de cette vive lumière, qui l’envahissait : tous les péchés et toutes les inclinations mauvaises avaient disparu totalement — avec la mort même, me semblait-il —, et il ne restait en cette âme que les peines des péchés commis et non encore expiés. Même les inclinations au mal des puissances de l’âme avaient été redressées, avaient comme fondu sous les traits de cette lumière extraordinaire. Il est très difficile d’expliquer cela. Il me semble que l’habitude du péché laisse en nous, telle une empreinte, une sorte de faiblesse, une conséquence du péché, qui nous rend vulnérable au mal. Et c’est cela qui avait disparu6.
En même temps, en présence de la Gloire de Dieu, l’âme était comme saisie radicalement par l’Amour et soumise par Lui à une attraction prodigieuse, à laquelle elle répondait par un désir véhément de s’unir à Lui, se livrant dans le plein exercice de sa volonté au Pur Vouloir de Dieu. En même temps, l’âme percevait dans ces traits de lumière qui la traversaient en l’embrasant d’amour la Sainteté même de Dieu, dans laquelle elle se voyait telle qu’elle était, objectivement dirions-nous. C’est comme une divine lumière de vérité dans laquelle l’âme ressent à l’instant même où elle y accède une violente horreur du péché et aussi de ses conséquences : elle connaît cette haine du péché parce qu’alors elle est immergée dans la lumière divine, qui lui montre la perfection infinie de l’Amour de Dieu7.
Dans ce mouvement d’attraction et cette lumière de vérité, l’âme se trouve confrontée de façon personnelle à Dieu lui-même : sans se dévoiler encore à l’âme, il se manifeste en cette lumière et par cette attraction d’amour. C’est une rencontre inouïe. Mais alors, tout en désirant véhémentement répondre à tant de sollicitations de l’Amour divin, l’âme a découvert en soi comme un obstacle pénible, douloureux, qui l’empêche de se livrer totalement à l’attraction amoureuse de Dieu sur elle : c’est la peine du péché, ce qui reste à expier pour satisfaire la Justice divine. Et je voyais cette âme tenue en cet état de déchirement qui constitue l’essentiel du mystère du Purgatoire : déchirement de l’âme, entre l’attraction de l’Amour divin et l’incapacité actuelle dans laquelle elle se trouve de répondre totalement à cette attraction8.
Tout cela m’était montré de façon intellectuelle. C’était très clair à mon intelligence, et je sais bien cependant que je ne peux l’exprimer clairement, les mots sont impuissants à formuler toutes ces choses… Et dans le même temps, je voyais des yeux de l’âme, par un ensemble d’images très vives, plusieurs autres réalités.
Je contemplais l’Ange gardien de cet adolescent, qui se tenait en prière à ses côtés ; et aussi la très Sainte Vierge Marie en prière, debout dans la gloire de Dieu, avec d’autres saints, tous intercédant pour l’âme. J’ai vu également, bien plus bas, dans un noir abîme de feu, le diable déchaîné et rugissant, vomissait avec tout l’enfer des hurlements de rage : sans doute parce que cette âme, étant sauvée, lui échappait !
J’ignore si l’âme elle-même, au moment du jugement particulier, peut voir tout cela, car ce jugement m’a été montré comme un acte personnel de Dieu sur l’âme, une confrontation toute intime de l’âme avec le mystère de Dieu. Il me semble qu’à ce moment, l’âme a une vue unique, celle de la Gloire de Dieu. Je crois néanmoins que l’âme ressent tout cela ; elle le sait plus qu’elle ne le voit. Cette intercession de la très Sainte Mère existe véritablement et s’exerce avec puissance, ainsi que celle des saints, même si l’âme ne peut, au moment du jugement, n’en avoir qu’une connaissance générale et tout intuitive, en quelque sorte.
Cette intercession me semblait s’exercer fortement, et tout le Ciel y participait : c’était comme une formidable poussée et un élan d’amour général pour cette âme qui arrivait devant Dieu.
Je n’ai pas non plus entendu que Dieu formulât une sentence : le jugement est prononcé, certes, mais dans le secret de la relation intime de Dieu avec l’âme qui comparaît devant Lui. C’est, m’a-t-il semblé, la conséquence des connaissances que reçoit l’âme en cette lumière de vérité9.
Et cette sentence, si l’on peut nommer ainsi cette opération divine dans l’âme qui est jugée, est perçue immédiatement par l’âme confrontée en ce jugement à l’éclat de la Sainteté divine. L’âme se conforme alors d’elle-même au Pur Vouloir de Dieu, qui est amour et justice. Il m’a été montré que la proposition que reçoit l’âme de se conformer au Pur Vouloir divin est, pour cette âme, l’occasion d’exercer en plénitude sa liberté, parce que celle-ci est un don du Pur Vouloir divin. L’âme, en cette confrontation au mystère de Dieu, se livre au Pur Vouloir divin selon son état propre : soit en entrant dans la gloire du Ciel, soit en se retirant dans le Purgatoire, soit en se jetant d’elle-même dans le feu de l’enfer.
On ne saura jamais assez combien est fausse cette représentation d’un Dieu terrible qui, de son doigt accusateur, montre à une âme le Purgatoire ou l’enfer : non, Dieu est Amour, et l’amour attire tout à soi, il captive. L’éternité d’une âme n’est pas une décision de Dieu, un Dieu présenté comme vindicatif et vengeur ; elle est le libre choix de l’âme : il n’y a pas de décision en Dieu, mais seulement un acte d’amour unique ; Dieu est Amour.
L’âme que j’ai vue en présence de la Gloire de Dieu se retira au Purgatoire, d’elle-même, sereinement, tout en demeurant dans la vive attraction de l’Amour divin. Il me semble qu’au Purgatoire, les âmes — d’une façon mystérieuse — continuent de percevoir l’éclat de la sainteté de Dieu dont elles ressentent impétueusement l’attraction et la force d’amour.
Tout le jugement particulier se déroule dans un seul acte, et cet acte est le don de l’Amour de Dieu à l’âme. Il me semble que l’âme, après le jugement particulier (bien que celui-ci échappe au temps, du moins tel que nous le connaissons), est conviée à des connaissances toujours plus grandes, plus élevées, suivant son état. Cela n’augmente en rien les mérites qu’elle s’est acquis sur la terre, ni son degré de gloire au Ciel. Mais, plus Dieu purifie l’âme dans le feu de Sa Sainteté, plus l’âme s’élève vers Lui.
Quand une âme est admise à la vision béatifique, elle reçoit alors immédiatement la connaissance de Dieu même à qui elle est unie et, à partir de cette connaissance de Dieu, celle des mystères du Ciel. Quand elle se trouve au Purgatoire, elle jouit parfois — surtout à l’occasion de certaines fêtes liturgiques — de visites de son Ange, de la très Sainte Vierge, de certains saints : elle les voit en Dieu, les contemple en Lui qui reste encore caché. En ce qui concerne l’enfer, l’âme qui s’y trouve est soumise par son état et sa condition mêmes à la vue et à la perception des démons et des damnés, des esprits des ténèbres et du monde diabolique.
Telles sont les choses qui m’ont été montrées par le Seigneur, au sujet du jugement particulier, à l’occasion du décès d’un ami.
Lumières sur l’état des âmes dans le Purgatoire
Comme je faisais l’heure sainte à l’intention des âmes du Purgatoire, il m’a été montré que nous pouvons, par nos prières et nos sacrifices, soulager beaucoup la souffrance de ces âmes, leur abréger même le temps de la purification. La sainte messe, tout particulièrement, a une valeur inestimable si elle est offerte à leur intention, surtout quand elle est entendue avec recueillement et en semaine. J’ai vu aussi la valeur des œuvres de charité, comme les visites aux malades, la pratique de l’aumône, l’accueil. Dieu convertit tous nos efforts et notre bonne volonté en grâces d’assistance et de secours pour ces saintes âmes, qui nous en sont on ne peut plus reconnaissantes.
Puis il m’a été montré que les âmes qui, au Purgatoire, ont le plus à pâtir, sont celles qui ont péché contre la charité, qui au cours de leur vie ici-bas n’ont pas cherché à se perfectionner dans cette vertu, qui n’ont pas su se détacher d’elles-mêmes pour être plus disponibles au Seigneur et à leurs frères. J’ai vu également combien les péchés de la langue, la cupidité, l’envie, les diverses attaches aux biens matériels, au confort, etc., sont cause de peines particulièrement terribles au Purgatoire. En revanche, les œuvres de charité, l’exercice de la miséricorde et de la patience à l’égard de nos frères, la douceur, l’effacement, la joie communiquée aux autres, l’abandon au Pur Vouloir de Dieu, notamment à l’approche de la mort, sont autant de choses qui pourront, par la suite, abréger ou adoucir notre Purgatoire.
Dès lors que l’âme est dans le saint Purgatoire du Pur Vouloir divin, c’est comme si des écailles tombaient de ses yeux, et son regard se lève intuitivement vers le soleil, qui l’éblouit : elle entrevoit, dans cette clarté fulgurante, la splendeur que l’Amour divin lui destinait en la tirant du néant, les richesses insondables que dès l’origine elle était appelée par l’Amour créateur à embrasser et à posséder. Mais sa vie ici-bas s’est passée à tenir les yeux baissés vers la terre et ses attraits trompeurs, attachés au monde et à ses fugitives lumières. Par le péché, elle s’était rendue aveugle à la transparence de l’amour divin. À présent que ses yeux sont ouverts, ils sont trop sensibles pour soutenir l’éclat d’une telle perfection, et elle en pâtit une souffrance incessante. Elle est comme aveuglée au sein même de la lumière et c’est comme si des traits de feu lui traversaient la tête. Dans le même temps, elle se trouve recueillie dans un grand silence d’amour et de nu pâtir, qui la purifie de tous les tumultes du monde auxquels elle n’a accordé que trop d’importance, s’en délectant et rendant par là ses oreilles inaptes à percevoir et à savourer la Parole de Dieu.
Ce silence de mort lui est très douloureux, habituée qu’elle était de se mouvoir dans les rumeurs et les mille bruits du monde ; et son oreille blessée n’aspire qu’à entendre quelque chose ; mais elle ne perçoit rien, c’est pour elle une angoisse torturante : l’âme est aux aguets de Dieu… Elle qui s’agitait et courait de tous côtés, ne trouvant en nulle créature le repos, et toujours le cherchant ailleurs qu’en son intérieur, la voici immobilisée, paralysée par le désir qui la tend vers Celui qui l’attire, et impétueusement tirée hors d’elle-même en quoi elle se trouve retenue par le poids de la dette du péché et de ses imperfections.
C’est un déchirement de tout son être, elle se sent écartelée parce qu’elle est à présent insérée dans le Christ crucifié, à qui elle doit achever d’être conformée. L’âme doit, dans le Purgatoire, se laisser modeler par le Pur Vouloir du Père dans la forme de son Fils crucifié : elle ne pourra être délivrée des peines du Purgatoire que quand le Père, posant sur elle le regard de sa juste colère, reconnaîtra en elle la face de Celui qui seul peut l’incliner à la miséricorde : Jésus crucifié.
Voici que, se consumant de faim, elle ne peut se rassasier que de son désir. Voici que, séchant d’une soif inextinguible, seules ses larmes amères lui sont accordées comme breuvage, qui ne la désaltèrent pas : mais elle trouve dans cette faim et dans cette soif torturante le Pur Vouloir du Père, qui est son unique nourriture en ce Purgatoire de l’Amour divin. Elle qui à tout instant se détournait ici-bas de Dieu et d’elle-même pour se perdre dans les créatures, voici qu’elle est constamment ramenée à elle-même, tenue dans le seul regard que la toute puissante et infinie miséricorde de Dieu pose sur elle. Elle ne se voit qu’en l’éclat douloureux de cette miséricorde, et elle ne voit la miséricorde que dans les effets que celle-ci produit au plus intime d’elle-même : dislocation intérieure, écrasement et hébétudes, plus terribles que ne le sont les crampes et les spasmes les plus atroces que puisse connaître un corps broyé par de cruelles maladies.
Elle est entièrement détournée de toute créature, ne retrouvant qu’en sa propre misère saturée de douleurs ce qu’est l’état de créature : elle sait et expérimente à présent qu’elle est créature, sortie de la main et du cœur aimants de Dieu, et elle en sonde la condition, au prix de l’humiliation et de la déréliction. Toutes les créatures lui sont ôtées, et le Créateur ne se donne pas à elle autrement que par la connaissance où elle est de Lui, qui est connaissance d’amour et de douleur. Elle voudrait courir vers Lui, Le toucher, L’appréhender, et se trouve retenue en elle-même, sous la main divine qui la tient courbée, parce qu’elle ne veut autre chose que d’être placée sous cette main puissante. Elle est écartée de tout ce qui n’est pas Lui, ignorant même s’il existe autre chose que Lui, et ne Le percevant qu’indirectement, comme à travers un miroir de feu qu’elle ne peut ni surtout ne veut franchir.
Témoignages d’âmes du Purgatoire
Dans la douceur de l’intimité avec Marie
Au cours de l’oraison du soir, mon âme se trouve comblée de suavité, c’est comme si la Vierge Marie tenait mon cœur dans le sien, dans une paix et une douceur ineffables. Et, à la fin de l’oraison, je la vois se manifester dans une grande lumière au-dessus d’un feu, en lequel je reconnais le Purgatoire. La très Sainte Vierge est debout, les mains tendues vers le feu : des flots de lumière coulent de son cœur jusqu’à ses doigts et se répandent en pluie abondante sur le Purgatoire ; elle prie, souriant avec une tendresse indescriptible.
Le Purgatoire s’ouvre en quelque sorte à ma vue : je contemple dans les flammes de nombreuses âmes, qui lèvent les mains vers la Mère de Dieu et prient avec confiance, et qui reçoivent comme une ondée rafraîchissante les flots de rayons jaillissant du Cœur de Marie et s’écoulant par ses mains. Parmi ces âmes, je reconnais avec stupeur une jeune fille confiée à ma prière, car elle était atteinte depuis des mois d’une maladie grave et souffrait beaucoup. La très Sainte Vierge m’avait dit :
« Mon enfant, elle ne guérira pas, parce que mon divin Fils la veut auprès de Lui : Il l’attend au Ciel. »

Voici qu’elle était là, dans le Purgatoire ! Après le choc de la surprise, je me mets à prier pour elle. Elle se tourne alors, un tout petit peu, sans cesser de contempler la Vierge Marie, et me dit :
« Oui, je suis partie, j’ai quitté la terre. La très Sainte Vierge est venue hier, elle m’a cherchée. Elle était déjà venue auparavant, pour me consoler, pour me sourire et m’encourager. Mes derniers jours sur terre se sont écoulés dans la douceur de l’intimité avec Marie. Et vois, je suis sauvée ! Je ne cesse de rendre grâces à Dieu, de le glorifier : je chanterai à jamais ses miséricordes ! Je suis morte jeune, mais je suis sauvée. La très Sainte Vierge m’a bien aidée, car c’était très dur ; mais elle m’a appris à m’oublier pour Jésus et pour tous nos frères. Maintenant, je ne cesse de glorifier Dieu, de le remercier pour ce don incomparable de sa Mère, notre Mère si secourable. Prie pour moi, si Dieu le permet, et prie pour mes parents, afin qu’ils restent forts et que leur foi demeure, afin qu’ils glorifient Dieu en toutes choses. »
Alors tout a disparu. Je reste dans une joie suave. Dans trois ou quatre jours, une lettre me confirmera son décès.
Nous sommes ivres d’espérance
Tout est calme, serein, en cette nuit d’hiver, et j’offre au Seigneur cette paix qui enveloppe tout, qui inonde mon âme. Comme je prie, mon Ange gardien se montre sur les marches de l’autel ; il se prosterne devant le tabernacle, puis vient en silence jusqu’à moi et dit doucement :
« Regarde, et prie pour cette âme. »
Et je vois, dans une mer de feu qui s’étend soudain sous mes yeux, de très nombreuses âmes du Purgatoire, parmi lesquelles je reconnais cette jeune fille, morte depuis peu. Elle me regarde avec bonté, tend les mains et dit :
« Que la paix de Jésus et la douceur de Marie soient dans ton âme ! Comme tu le vois, je suis encore au Purgatoire. Je viens te demander de prier pour moi, le Seigneur me permet cette démarche. Ne te désole pas de me voir encore ici, mais prie et rends grâces à Dieu. Ici, nous sommes ivres d’espérance, nous sommes brûlés dans le feu de l’Amour divin, nous sommes attirés vers l’Amour. C’est une brûlante langueur, mais nous sommes patients et heureux.
Je ne sais pas si je resterai longtemps au Purgatoire, et ce n’est pas une préoccupation pour moi : nous n’y pensons même pas. Notre seul souci est de glorifier Dieu et, si je viens à toi, c’est pour t’inviter à en faire autant en priant pour nous. Quand vous priez pour nous, vous glorifiez l’Amour divin, vous chantez la Miséricorde infinie de Dieu en unissant votre prière à la nôtre. Priez sans cesse pour nous, comme nous prions pour vous. »
Et elle disparaît à ma vue intérieure, le feu se referme. L’Ange est près de moi, il conclut alors :
« Oui, mon enfant, il faut prier. Prier, c’est aimer, et la prière est la manifestation de votre amour pour Dieu et pour ces saintes âmes. Elle est dans ce que l’on nomme le Parvis. L’offrande à Dieu de ses grandes souffrances au cours de son agonie lui a valu de grandes grâces de conversion, non seulement pour elle, mais pour beaucoup d’âmes : elle a été purifiée dans la souffrance, son Purgatoire ne sera pas long. »
Puis il a disparu, laissant à l’intérieur de mon âme une paix très douce.
Je suis sauvé, parce que j’étais bon
Ce premier jour de l’année, solennité de la Mère de Dieu, est assombri par un deuil très douloureux, qui me touche de près. La très Sainte Vierge répand cependant une grande paix dans mon âme, une douceur suave, ne cessant de redire à mon cœur :
« Je suis Mère, je suis ta Mère, votre Mère. Je vous tiens dans mon cœur de Mère. »
Après la sainte messe, le Seigneur me montre le défunt sur une sorte de monticule entouré de flammes très vives. Déjà les deux jours précédents, j’ai eu la grâce de le contempler, mais il était couché et couvert d’un suaire, cette sorte de vêtement brumeux que j’ai déjà mentionné ailleurs : je pouvais le voir, mais lui non. Il fallait prier. Là, il est debout et me tend les bras avec une sorte d’allégresse contenue, souriant un peu mélancoliquement. Je n’ose parler, faire un geste, et ne peux me retenir de pleurer. Mon Ange gardien est là, près de nous, la main posée sur mon bras. Il trace un grand signe de croix, que ce défunt très cher reprend avec recueillement. Alors, je tends à mon tour les mains vers lui, qui dit :
« Rendons grâces au Seigneur, Sa Miséricorde est infinie ! Tu vois, je suis sauvé, réjouis-toi, je suis sauvé… »
Comme je pleure sans rien dire, cela semble l’attrister, et il reprend avec une certaine sévérité :
« Ne pleure pas ! Tu dois être la force de nos proches, tu dois les assister et les consoler, les entourer d’un surcroît de tendresse : manifeste-leur tout l’amour que je leur porte, qu’ils ne peuvent plus percevoir à présent. Oui, tu dois être leur force, il le faut. »
Et moi de répondre avec lassitude : “Comment pourrais-je être leur force ? Demande à Dieu de les aider, moi, je veux être libre de pleurer, parce que j’en ai besoin…”
L’Ange est très grave, il serre mon bras ; le jeune défunt devient encore plus sévère, pour m’ordonner :
“Non, ne pleure pas ! Tes larmes augmenteraient mes peines, elles me priveraient des consolations que ta résignation et ta joie me mériteront : ici, on ne peut plus mériter, mais vous pouvez offrir vos mérites pour nous ! Tu sais combien nous attendons de vous des prières, des actes d’amour, des pensées ! La plus petite prière nous est ce qu’un verre d’eau fraîche serait à une personne mourant de soif dans le désert ; la plus petite pensée, même fugitive, est une brise légère dans ce désert de feu, ce feu d’amour qui nous brûle ! Si tu savais tout !
Je suis sauvé, parce que j’étais bon. Le Seigneur m’a préservé de l’orgueil, de l’égoïsme et du mensonge. Mais ce qui me fait le plus souffrir ici, c’est d’avoir négligé de Le chercher, d’avoir perdu beaucoup trop de temps. Ici je découvre le monde de l’Amour infini et l’émerveillement atténue mes peines.
Oui, j’ai été bon, et Dieu Se montre pour moi très bon, Il me fait découvrir, adorer et aimer Sa Bonté. Sois une âme forte et bonne, dis à tous d’être bons ! Deus est caritas, sit caritas in vobis10 ! Priez pour nous, c’est une obligation pour vous, un devoir de charité envers Dieu que vous glorifiez et vers qui vous nous poussez ainsi, nous qui brûlons du désir de Le contempler ; et envers nous, les âmes du Purgatoire, que vous soulagez et assistez. Sais-tu que la prière pour les âmes du Purgatoire est une de vos contributions à l’unité du Corps mystique ? Ut unum sint ! Que nous soyons tous un dans notre Unique…”
Se taisant, il me regarde avec une grande douceur, mon âme en est toute réconfortée. Il ouvre les bras, regarde le Ciel avec bonheur et dit :
“Je découvre les merveilles de l’Amour Infini ! L’Amour m’a appelé, j’ai été saisi par l’Amour, et maintenant je vais vers l’Amour… Ô mon Dieu, tout mon désir est devant Toi et ma plainte ne t’est pas celée ! » (cachée, ndlr. Ps 38, 10)
Comme il me regarde à présent, je termine en lui disant : « Attends le Seigneur, attends le Seigneur, courage ! Que ton cœur soit ferme ! Oui, attendons le Seigneur. » (Ps 27, 14)
Que la prière soit l’instrument de l’unité
Ces derniers jours ont été éprouvants. Un jeune parent, récemment décédé, est inhumé provisoirement. La famille se resserre, la peine s’intériorise et se purifie peu à peu. Après la sainte messe, pendant l’action de grâces, je vois le défunt qui se tient près de l’autel, entouré de flammes claires. Je me signe. Il vient alors vers moi et me salue en disant :
« Rendons grâces à Dieu, Bonté éternelle ! Sais-tu que j’ai vu la très Sainte Vierge Marie ? Elle est la Mère de Bonté, elle est venue jusqu’à moi pour m’apporter des fleurs. »
Devant ma surprise et ma joie, il sourit et poursuit :
“Oui, c’est le symbole de vos prières pour moi, des brassées de fleurs ! Je reçois des suffrages de nombreuses personnes, parmi lesquelles beaucoup me sont inconnues. J’ai vu ainsi que certains de tes amis prient pour moi, et moi je prie à mon tour pour eux, surtout pour les prêtres et les religieuses. Ici, nous prions pour vous, pour l’Église militante, à toutes ses grandes intentions, lorsque Dieu veut bien nous les montrer : mais Il ne le juge pas toujours nécessaire. C’est pour nous une très grande consolation. Ici, c’est un monde de prière, de prière réparatrice… Nous prions pour l’extension du Royaume de Dieu, pour la venue de Son Règne d’Amour et de Paix : c’est-à-dire pour la conversion des pauvres pécheurs, et pour la sanctification des âmes. Que la prière soit l’instrument de l’unité entre le Ciel, le Purgatoire et la terre ! »
Mon âme est dans la jubilation. J’ai envie de poser des questions, mais il me regarde avec gravité et reprend :
« N’oubliez pas que nous souffrons beaucoup. Je suis malgré tout dans une sorte de détresse, parce qu’un mouvement me tire vers l’Amour divin. Il me dépasse et je ne peux y répondre encore que dans les limites actuelles de mon état. Mais j’aime cette souffrance, elle est souffrance d’amour, c’est juste, je n’aspire qu’à Dieu, qu’à Dieu… »
J’ai, moi aussi, de la peine pour lui ; je le lui dis, mais il lève, avec une expression de joie un peu nostalgique, les yeux vers le Ciel, et dit :
« Dieu est bon, si bon, si bon… On ne le sait pas, on ne veut pas le savoir, malheureusement. Peu m’importe de rester longtemps au Purgatoire, si j’ai la consolation de pouvoir m’occuper de Dieu ! »
Pendant que cette âme me parle, je prends de l’eau bénite et lui en présente, dans le creux des mains. Il dit :
« Cela nous procure de grands soulagements. Il ne faut pas négliger les sacramentaux. Je crois que lorsque j’entrais dans une église, je n’oubliais jamais de prendre de l’eau bénite, même si souvent c’était bien machinal… et rare. Comme j’ai négligé la pratique religieuse ici-bas, je dois me tenir presque constamment dans une église, près de l’autel le plus souvent, parfois même sous l’autel, lorsque Dieu le permet : là nous recevons d’abondantes consolations, par l’application de toutes les grâces du Saint Sacrement. Mais j’en suis souvent privé, à cause de ma médiocre ferveur.
Ce qui m’est réconfortant est que l’on fasse dire des messes pour les âmes du Purgatoire : non seulement pour moi, mais pour nous tous. Car Dieu reçoit vos prières, et Il les remet à Sa Mère très Sainte, lui en confiant l’application aux âmes du Purgatoire. Tu sais, Marie Immaculée est la Mère de Bonté, elle est toute remise au Pur Vouloir d’amour de Dieu, toute réceptive aux effusions de Sa Bonté éternelle ; elle est l’instrument des desseins de Dieu qu’elle accomplit parfaitement, avec tant de bonté ! L’un des trésors d’une famille est d’avoir une dévotion mariale, ancienne et profonde : ne l’oubliez jamais ! »
Mon âme se nourrit de cet enseignement lumineux, et je rends grâces au Seigneur, tout en priant pour cette âme qui conclut :
“Sais-tu que les anges viennent nous voir ? Ils nous réconfortent par leurs chants, ils publient sans cesse la Gloire de Dieu, et honorent avec amour et respect leur Reine. Cela nous enflamme d’amour et accroît notre désir, et nous nous joignons avec reconnaissance à leur louange continuelle. Parfois, la très Sainte Vierge leur remet des prières pour qu’eux-mêmes viennent nous les apporter comme des ondées rafraîchissantes qui nous soulagent.
Et quand je vois les anges, leur beauté et leur perfection augmentent en moi le désir de voir Dieu : car en eux se reflètent la Gloire et la Beauté de Dieu, et cela est un grand réconfort pour nous… Cela nous encourage, en quelque sorte, en augmentant en nous le désir de voir Dieu, qui est la Source de tout bien, qui est le Souverain Bien. »
Et, de nouveau, il se perd en cette sorte d’extase qui lui fait lever les yeux vers le Ciel, dans une jubilation indicible. Puis, ayant regardé une dernière fois vers moi, il disparaît à ma vue intérieure, laissant mon âme ravie, consolée, heureuse…
Purgatoire d’un débauché sauvé par ses aumônes
Étant en prière dans ma chambre, j’ai vu une sorte de tourbillon de feu apparaître devant moi, dans lequel se tenait un homme que j’ai connu il y a de nombreuses années ; il y avait fort longtemps qu’il était mort. Dès que je le reconnus, j’eus un mouvement de surprise et de trouble intérieur : était-ce une illusion, ou un subterfuge diabolique ? Je me signai, alors la paix envahit mon âme ; puis je demandai à cet homme de bien vouloir dire après moi : « Jésus, Marie, Joseph, je vous aime. » Il le fit.
Cet homme avait eu une réputation épouvantable. Il était incroyant et méprisait la religion, on l’avait dit débauché, sans scrupules, incapable d’une bonne action, dur envers ses employés et sa famille, joueur, dépensier : bref, on l’avait accablé de tous les péchés. Il était mort par accident, sans avoir eu le temps de recevoir les sacrements et, dans une petite localité, les langues vont bon train. Les bigotes bavardes avaient, à cette époque, fait de nombreux commentaires sur sa mort et sa probable perte éternelle. Inconsciemment, j’étais tributaire de ces opinions, si bien que le voir au Purgatoire me consola beaucoup. Il y avait près de vingt-cinq ans qu’il était mort. Il me regarda. Je lui souris et me mis à prier pour lui, alors il s’écria :
“Oh merci, mon enfant, merci ! Si Dieu permet que je me manifeste à toi, c’est qu’Il veut soulager mes peines et permettre que je sois consolé, après si longtemps ! Personne ne priait pour moi dans ma famille, et parmi mes proches on m’avait oublié ; et j’ai connu un effroyable Purgatoire, que mes innombrables péchés me méritent. Mais je suis sauvé, tu le vois.”
J’étais dans une grande joie à le contempler ainsi. Et il reprit :
“Sais-tu ce qui m’a sauvé ? Ce sont les aumônes que j’ai faites, les nombreux secours que j’ai fait parvenir à tant et tant de personnes nécessiteuses. J’ai eu bon cœur et cela fut mon salut. Beaucoup de ces braves personnes que j’ai secourues ont prié, et même prient pour moi, sans savoir qui leur a apporté de l’aide : car je faisais tout cela en secret, de façon anonyme. Vois-tu, il ne faut jamais juger personne, il ne faut jamais s’en tenir aux apparences. Veux-tu prier pour moi, veux-tu demander à mes enfants de prier pour moi ? Cela glorifiera le Seigneur en hâtant ma délivrance.”
Je le lui promis, et il était tout heureux. Il se signa et disparut d’un coup, et je restai là, à méditer ses paroles.
La très Saint Vierge et le Purgatoire
La très Sainte Vierge vient délivrer des âmes du Purgatoire
En cette fête de la Présentation de la Vierge Marie, j’ai prolongé l’action de grâces après la messe pour remercier le Seigneur du don de sa Mère toute Sainte. Je L’ai prié de disposer mon âme à l’action du Saint-Esprit afin qu’elle soit rendue digne d’être présentée à son Père et remise sans réserve au Pur Vouloir d’amour de la Trinité Sainte.
Alors que je me laissais aller à ces considérations, mon âme fut recueillie en Dieu et je me trouvai dans une paix suave. Puis une lumière d’une indicible douceur se fit, dans laquelle je vis la Mère de Dieu entourée d’une multitude d’anges et d’âmes bienheureuses, descendant dans le Purgatoire pour y apporter consolations et amour. Elle était précédée par saint Michel. Une rosée rafraîchissante s’écoulait de son cœur et de ses mains, tombant en pluie sur tout le Purgatoire.
La très Sainte Mère de Dieu dispensait sur tout le Purgatoire des grâces de consolation et d’espérance, puis elle remonta au Ciel avec de nombreuses âmes délivrées par son intercession. Je vis ces centaines de personnes pénétrer dans la joie de Dieu, et ce fut comme si le Paradis entier résonnait de clameurs d’allégresse et de chants de fête. Parmi les âmes délivrées à l’occasion de cette fête, il m’en fut montré pour lesquelles j’avais reçu depuis quelques mois des appels de prière.
Passage au Ciel et prière pour les saintes âmes
Toute la journée a été occupée par la présence des saintes âmes du Purgatoire. J’en ai vu des foules, silencieuses et orantes, qui tendaient les bras dans un geste de supplication. Je n’ai cessé de prier pour elles. Mon âme était bouleversée par cette vue continuelle, qui se superposait comme en filigrane à tout ce que je voyais avec les yeux du corps au fil de la journée. Je crois bien que, jusque fort tard dans la soirée, j’ai vu ainsi plusieurs milliers de ces âmes, qui passaient en demandant notre prière. Le soir, mon Ange gardien m’a dit avec gravité :
« Elles viennent vers vous comme des mendiantes d’amour, des quémandeuses de prière. »
Dans la soirée, comme j’arrivais au terme de l’oraison, j’ai vu un grand nombre de ces saintes âmes qui venaient à moi en gémissant, et même qui me saisissaient par les vêtements. Il m’a été montré combien on néglige ces âmes, combien elles sont seules, oubliées… À peine le 1er novembre passé, pour le plus grand nombre, et le mois de novembre écoulé, pour beaucoup de fidèles et même de prêtres, on ne pense plus du tout à ces âmes, on ne prie plus guère à leur intention, sinon de façon occasionnelle. Et pourtant, ces bonnes âmes, qui sont assurées de leur salut éternel et qui s’oublient totalement pour la seule gloire de Dieu11, sont si pleines de gratitude à notre égard lorsqu’elles sont parvenues à la béatitude du Ciel ! Il m’a été montré, encore une fois, que ce qui les soulage et console le plus, c’est l’offrande du saint sacrifice de la messe, et qu’il nous faut offrir messes et suffrages à leurs intentions. Et aussi que le saint rosaire leur procure des consolations inestimables, dès lors que nous en méditons les mystères avec recueillement et que, à chaque dizaine, nous ajoutons un Ave en faveur des âmes souffrantes. Nous avons beaucoup à apprendre d’elles : souffrir, se taire, prier, aimer et adorer, bref, se livrer tout au Pur Vouloir divin.
Dès ce matin très tôt, mon saint Ange gardien m’avait demandé de prier pour les âmes du Purgatoire. Je l’ai fait à la lumière des textes liturgiques du jour, en représentant au Seigneur que nous sommes tous, en Son divin Fils crucifié et glorifié, des “fils bien-aimés”. Durant la journée, la vue des âmes souffrantes n’a pas cessé un seul instant, sinon pendant une partie de la messe et au cours de l’oraison ; elle se superposait en quelque sorte à toutes mes activités. J’ignore s’il s’agissait là d’une vision intérieure (imaginaire) ou d’une vision corporelle, d’ailleurs cela n’a pas d’importance. Très souvent, ces âmes passaient en foules devant moi, sans rien dire, sans rien voir, comme accablées. Parfois l’une ou l’autre se tournait vers moi en tendant les mains silencieusement, avec les yeux remplis de larmes. C’était bouleversant, et cela me coûtait un tel effort qu’en fin de journée, avant l’oraison du soir, j’étais dans un état de total épuisement.
Dans la soirée, assez tard, il m’a été accordé une vue très réconfortante : un grand nombre d’âmes montaient du Purgatoire jusque dans la plénitude de l’Amour divin, elles étaient élevées dans la grâce de Marie Immaculée pour entrer dans la Jérusalem céleste. Il me semble que toute âme qui a achevé sa purification est comme incorporée dans la grâce de Marie Immaculée, soulevée dans sa lumière d’amour, en laquelle elle est introduite dans la gloire du Ciel. J’ai vu cela comme une manifestation de la maternité universelle de la très Sainte Vierge, qui s’étend sur tous ses enfants. Il y a une véritable jubilation dans le Ciel entier lorsqu’une âme y entre, un mouvement d’allégresse qui traduit la rencontre de l’âme avec son Dieu et qui, de cette rencontre dans le mystère de la Miséricorde divine, s’étend à tout le paradis comme des cercles concentriques. Cela me fait penser aux retrouvailles du père et du fils prodigue.
Fête de la Présentation de la très Sainte Vierge au Temple
Comme je priais pour les âmes souffrantes, méditant ce qui m’avait été montré la veille, mon âme fut élevée dans la contemplation de la Mère de Dieu, qui ouvrait son Cœur Immaculé aux saintes âmes du Purgatoire. Je vis ce cœur maternel comme une porte d’or par laquelle de très nombreuses personnes passaient pour entrer dans le Cœur de Jésus, qui est le Ciel du Pur Amour. Elles étaient délivrées en ce jour de fête des peines qu’elles avaient dû subir jusque-là ; il me fut montré que d’une part les saints du Paradis leur lançaient des échelles de lumière qu’elles gravissaient pour s’élever au-dessus du lieu de purification, et que nous, ici-bas, nous les délestons par nos prières, nos suffrages et nos sacrifices, d’un poids qui les empêcherait de monter à ces échelles pour rejoindre la félicité des Élus. Puis je vis la très Sainte Vierge présenter à son divin Fils toutes les âmes délivrées en ce jour, leur murmurant à l’oreille, ou plutôt dans le cœur : « Faites tout ce qu’Il vous dira ! »
Ces saintes âmes étaient dans la jubilation et l’interrogation. Jésus leur montrait Son Cœur transpercé et leur disait : “Lisez en ce Cœur qui vous a tant aimés ce que vous devez faire à présent, et pour l’éternité !” Les âmes lisaient avec ravissement : “Gloire au Père, au Fils et au Saint-Esprit, pour les siècles des siècles.” Il coulait de ce divin Cœur un breuvage suave, auquel ces saintes âmes étaient conviées à se désaltérer, et elles en buvaient avec allégresse, dans une ébriété et une jubilation extraordinaires. Mon Ange me dit alors : “Elles boivent à longs traits et à jamais le Pur Vouloir d’amour de Dieu Trinité.” J’étais dans un ravissement indicible, à la vue de ces merveilles. Puis tout s’effaça, et je restai dans le recueillement de l’action de grâces.
Note théologique sur le Purgatoire
Contexte
Cette note a été rédigée par des théologiens, en complément de la révélation privée de l’auteur. Ses différents points récapitulent l’enseignement de l’Église sur le Purgatoire.
C’est d’abord à travers son intercession pour les morts que l’Église, dès ses origines, manifeste clairement sa foi au Purgatoire. Ensuite, avec une sage lenteur, elle définira sa doctrine, notamment au second concile de Lyon (1274), au concile de Florence (1438), enfin au concile de Trente (25e session, décembre 1563). Rappelons les grandes lignes de cette doctrine si lumineuse et si apaisante :
Au Purgatoire, les âmes des justes règlent leur dette à l’égard de la Justice divine en subissant des peines purificatrices extrêmement douloureuses. Soulignons d’emblée que la purification du Purgatoire ne porte pas sur la faute, mais sur la peine. Si le pardon divin accordé à l’âme repentante efface la faute, il ne fait pas disparaître pour autant la peine, qui est le moyen pour l’homme de réparer le désordre que ses péchés ont occasionné. Ici-bas, l’âme subit la peine sous la forme d’une pénitence volontaire et méritoire ; dans l’autre monde, sous la forme d’une purification obligatoire.
Selon la doctrine de l’Église, il y a deux sortes de peines au Purgatoire. La principale est celle de la privation temporaire de la vision de Dieu. Cette privation s’accompagne d’une souffrance inouïe. L’heure de l’union a sonné : l’âme brûle du désir de voir Dieu, mais elle ne peut contenter son désir, car elle n’a pas suffisamment expié, avant la mort, ses péchés. L’expiation s’achève donc au Purgatoire et revêt la forme d’une souffrance dont rien, ici-bas, ne peut donner l’idée. Il existe au Purgatoire d’autres peines, connues sous le nom de peines des sens ; l’Église ne s’est jamais prononcée sur leur nature exacte ; leur objet est de réparer l’attachement désordonné aux créatures.
Les peines du Purgatoire ne sont pas les mêmes pour toutes les âmes. Elles varient, quant à leur durée et leur intensité, selon la culpabilité de chacun. Les âmes du Purgatoire reçoivent sereinement les souffrances expiatrices que Dieu leur inflige ; elles ne cherchent, en effet, que la gloire de Dieu et désirent ardemment contempler Celui qui est désormais toute leur espérance. Il règne au Purgatoire une grande paix, et même une certaine joie, car les âmes ont la certitude de leur salut et regardent leur peine comme un moyen de glorifier la Sainteté de Dieu et de parvenir à la vision glorieuse. Les souffrances du Purgatoire, n’étant plus méritoires, n’augmentent pas la charité dans l’âme qui les subit.
L’Église de la terre peut secourir, par ses suffrages, l’Église “qui se reforme au-delà des portes de la mort” (cardinal Journet), parce qu’un même amour les unit dans le Christ. Cette union fonde la possibilité d’une communication de mérites. Les âmes du Purgatoire, incapables de se procurer à elles-mêmes le moindre soulagement, peuvent ainsi profiter des œuvres satisfactoires que les vivants accomplissent en leur faveur avec l’intention de payer leurs dettes. Ces œuvres satisfactoires ont valeur d’expiation parce qu’elles expient la peine des âmes du Purgatoire en offrant pour elles une compensation ; Dieu règle selon sa Sagesse l’application des suffrages aux défunts. La messe est le secours le plus efficace que l’Église de la terre puisse fournir à l’âme qui se purifie : ne nous donne-t-elle pas, en effet, le sacrifice offert par Jésus sur la Croix pour le salut du monde ? L’aumône, la prière, ainsi que toutes les formes de sacrifice, sont également un moyen d’aider “nos bonnes amies souffrantes” (sainte Marguerite-Marie).
Le Purgatoire prendra fin au Jugement dernier, toutes les âmes destinées à la Gloire ayant satisfait, d’une manière ou d’une autre, à la Justice divine.
Tel est l’essentiel des enseignements de l’Église sur le mystère du Purgatoire. Ajoutons que le concile de Florence n’a pas défini si les âmes sont purifiées par un feu réel, non métaphorique. La doctrine commune (du moins dans l’Église latine) admet la peine du feu réel, en s’appuyant sur l’autorité de saint Grégoire de Nazianze et de saint Grégoire le Grand. Notons enfin que l’Église laisse aux théologiens le soin d’apporter quelque lumière sur certaines questions secondaires : citons-en quelques-unes : en quel lieu le Purgatoire se trouve-t-il ? La faute vénielle est-elle remise à l’instant de la mort ou dans le lieu de la purification ? Les âmes du Purgatoire prient-elles pour nous ?
Pour les âmes des justes, le Purgatoire est donc cet état et ce lieu de souffrance où elles expient la peine pour laquelle elles n’ont pas satisfait en ce monde12 (ceci pour des péchés mortels et véniels déjà remis) et où leurs péchés véniels sont remis quant à la coulpe, s’ils ne l’ont pas été pendant la vie13.
L’existence du Purgatoire est une vérité de foi ; saint Thomas d’Aquin n’hésite pas à affirmer que nier le Purgatoire, c’est parler contre la Justice divine et commettre une erreur contre la foi14. Cette vérité de foi est fondée sur l’enseignement explicite de l’Écriture au sujet du jugement et de l’exigence d’une parfaite pureté pour entrer au Ciel. Si le terme purgatoire ne se rencontre nulle part dans l’Écriture, la réalité qu’il désigne s’y trouve incontestablement : Judas Maccabée aurait-il fait offrir au Temple de Jérusalem un sacrifice expiatoire pour les soldats de son armée tombés au combat, s’il n’avait cru en la possibilité pour les défunts de se purifier des conséquences de leurs fautes15 ?
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Footnotes
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ISBN 9782850496202 ↩
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Il n’y a qu’un Purgatoire. L’Église ne s’est jamais prononcée sur un triple aspect: Grand, Moyen Purgatoire, Parvis du Ciel. Mais par analogie avec le progrès spirituel (conversion - progrès - perfection) bien décrit par saint Paul (Phil. 3, 12-14) il y a convenance à contempler la purification dans ses trois phases successives. Toute l’œuvre de saint Jean de la Croix, qui assimile purification et purgatoire, en est une illustration. ↩
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Il ne faut pas confondre le Sein d’Abraham avec les “limbes”, où, selon une tradition sur laquelle s’est longtemps appuyé l’enseignement commun, iraient les âmes des enfants morts sans baptême. Cependant, il est important de le noter, le Catéchisme de l’Église Catholique ne fait aucune allusion à cette tradition, se contentant de déclarer :
“Quant aux enfants morts sans Baptême, l’Église ne peut que les confier à la miséricorde de Dieu, comme elle le fait dans le rite des funérailles pour eux. En effet, la grande miséricorde de Dieu, qui veut que tous les hommes soient sauvés (cf. 1 Tm 2, 4), et la tendresse de Jésus envers les enfants, qui Lui a fait dire : ‘Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas’ (Mc 10, 14), nous permettent d’espérer qu’il y ait un chemin de salut pour les enfants morts sans baptême. D’autant plus pressant est aussi l’appel de l’Église à ne pas empêcher les petits enfants de venir au Christ par le don du saint Baptême” (Catéchisme de l’Église Catholique, n° 1261). ↩
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Il est de foi de croire que la mort est suivie immédiatement du jugement particulier dans lequel Dieu rendra à chacun selon ses œuvres” (Concile de Florence et Concile de Trente)
Le Catéchisme de l’Église Catholique déclare: “Chaque homme reçoit dans son âme immortelle sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ, soit à travers une purification, soit pour entrer immédiatement dans la béatitude ciel, soit pour se damner immédiatement pour toujours” (n° 1020). ↩
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Au moment du jugement particulier, l’âme ne voit pas Dieu intuitivement : autrement, elle serait déjà béatifiée. Elle ne voit pas non plus l’Humanité du Christ, sauf faveur exceptionnelle, mais par une lumière infuse, elle connaît Dieu comme Souverain Juge, et aussi le Rédempteur comme Juge des vivants et des morts” (R. Garrigou-Lagrange, O.P., L’éternelle vie et la profondeur de l’âme, Desclée 1953, p. 96). ↩
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À l’heure de paraître devant Dieu, les âmes ont des dispositions défectueuses que l’on a coutume d’appeler les restes du péché. Ces dispositions défectueuses sont dues aux conséquences du péché originel et à celles du péché actuel. Selon saint Thomas d’Aquin, même les âmes les plus saintes ont encore en elles, au terme de leur pèlerinage terrestre, le “désordre consécutif au péché originel”.
En quoi consistent ces dispositions défectueuses dont nous venons de parler ? Doit-on affirmer, comme le laisse entendre cette relation sur le Purgatoire, qu’elles disparaissent dans la lumière brûlante du jugement particulier ? Le péché originel, enlevé par la grâce baptismale, laisse pourtant dans les facultés de l’âme un désordre, effet de la perte de la justice originelle. L’homme, à cause de ce désordre, aura beaucoup de peine à s’élever vers Dieu et à se soumettre à Lui. L’inclination naturelle vers l’acte bon est comme blessée, tandis que les puissances inférieures, celles de la sensibilité et de l’imagination, échappent en quelque sorte au contrôle de l’âme spirituelle, exerçant même sur celle-ci une tyrannie qui faisait dire à saint Paul qu’il faisait le mal qu’il ne voulait pas faire et n’accomplissait pas le bien qu’il voulait.
Cette inordination des puissances inférieures de l’âme et du corps constitue ce que les théologiens ont coutume d’appeler le foyer de convoitise (ou de concupiscence). Ici-bas, les sacrements combattent efficacement, sans pourtant jamais le faire disparaître, ce foyer de concupiscence. À la mort, la lumière divine le fera disparaître complètement de l’âme en état de grâce. ↩
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Après la mort, dans la lumière divine, l’âme voit clairement en elle les péchés véniels dont elle n’a pas eu la contrition effective sur cette terre. Aussitôt, elle s’en repent et obtient ainsi le pardon divin. Comme ce repentir intervient après la mort, il n’est plus méritoire : l’âme ne bénéficie donc ni d’un accroissement de charité, ni d’une remise de peine.
L’Église ne s’est pas prononcée sur ce sujet délicat, fort débattu par les théologiens. Nous n’exposerons pas ici l’historique de leurs discussions. Qu’il suffise de rappeler que saint Thomas d’Aquin lui-même semble avoir changé d’opinion au cours de sa vie. Dans son Commentaire sur les Sentences, œuvre de jeunesse, il déclare en effet : “Le péché véniel est remis dans l’autre monde par le feu du Purgatoire.” Dans la question disputée De Malo, il affirme au contraire que le péché véniel est remis avant l’entrée de l’âme au Purgatoire. ↩
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Sainte Catherine de Gênes dit la même chose dans son traité du Purgatoire, chapitre 7 ↩
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Ibid, chapitre 9 ↩
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Dieu est charité, que la charité soit en vous. ↩
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Les âmes du Purgatoire sont impeccables et ne peuvent avoir le moindre mouvement d’impatience ni commettre la moindre imperfection. Elles aiment Dieu plus qu’elles-mêmes et que toute chose, d’un amour parfait, pur et désintéressé. Elles sont consolées par les anges. Elles sont assurées de leur salut. Leur amertume, bien que très amère, est dans une paix très profonde. Si c’est une espèce d’enfer quant à la douleur, c’est un paradis quant à la douceur que répand la charité dans leur cœur, une charité plus forte que la mort. Heureux état, plus désirable que redoutable, puisque ces flammes sont des flammes d’amour et de charité ! (P. Camus : L’esprit de saint François de Sales, in J. Joubert et L. Cristiani, op. cit., p. 203) ↩
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Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique suppl. Q. 70 ter art. 1, ↩
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Saint Thomas d’Aquin, Compendium, chap. 181. ↩
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Saint Thomas d’Aquin, Somme Théologique illa, 70 bis, art. 6. ↩
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2 Mac. 12, 38-45 ↩
