Structure des chapitres
Pour chaque chapitre, nous commencerons par rappeler l’avis de l’Église (s’il y en a un) tel que défini dans son Catéchisme officiel,. Puis l’avis des théologiens et des saints, rassemblé dans les sources, puis nous terminerons par les témoignages. Cette dernière partie peut être la plus importante, car certains chapitres abordent des sujets qui n’ont pas été traités par l’Église, ses théologiens ou ses Docteurs.
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Qu’est-ce que le Purgatoire ?
L’Église appelle Purgatoire cette purification finale des élus qui est tout à fait distincte du châtiment des damnés. Il est le refuge des âmes qui ont été sauvées par l’infinie Miséricorde de Dieu lors de leur jugement particulier au moment de leur mort. Ces âmes, sauvées de la damnation éternelle, ne peuvent néanmoins pas accéder au Ciel de par les conséquences du péché qui leur restent attachées comme la rouille sur le fer pur.
À la principale différence de l’enfer qui est éternel et ne cessera jamais, les âmes qui sont en Purgatoire y resteront pour un temps fini, qu’elles ne connaissent pas, et qui dépend de trois facteurs : le poids de leur péché, la Miséricorde de Dieu, et les suffrages que peuvent leur apporter les vivants (messes, aumônes, prière). Néanmoins, toutes ces âmes savent qu’elles seront sauvées, et cela leur est d’une immense consolation.
Au moment de la mort, l’âme se sépare de son corps, qu’elle habite depuis la conception lors de l’union charnelle entre son père et sa mère. Elle est alors jugée par Jésus-Christ, en ne percevant qu’un minuscule fragment de Sa divinité, car elle est indigne d’en voir plus étant donné que la Sainteté de Dieu ne tolère pas le péché le plus insignifiant. Ce fragment suffit néanmoins à susciter chez l’âme un désir violent de Dieu, son Créateur, qui lui est malgré tout inaccessible. Non pas que Dieu se refuse à elle, mais plutôt l’âme qui se refuse à Dieu à cause de la souillure de son péché, tout en le désirant plus que tout. Et de ce désir violent et inassouvi, résulte la principale peine du Purgatoire, qui surpasse toutes les souffrances que l’on peut concevoir dans une vie terrestre. Elle peut néanmoins être consolée et sa peine réduite par les Saints et la Très Sainte Vierge, reine du Purgatoire.
Catherine de Gênes, Maria Simma et l’auteur du Regard sur le Purgatoire rapportent le détail suivant. Les âmes, voyant que Dieu a créé le Purgatoire pour purifier les âmes des conséquences de leur péché, s’y jettent très volontiers, voyant que c’est un moyen pour elles de pouvoir entrer un jour au Ciel. Là, ces âmes qui n’ont pas assez brûlé de charité pour Dieu pendant leur vie terrestre, brûleront dans le feu de la Charité de Dieu jusqu’à ce que la plus infime parcelle de péché soit consumée.
Le jugement particulier
Rappel
Il est de foi de croire que la mort est suivie immédiatement du jugement particulier, dans lequel Dieu rendra à chacun selon ses œuvres, ainsi que l’ont enseigné les conciles de Florence (1439) et de Trente (1542).
Le catéchisme rappelle que chaque homme reçoit dans son âme immortelle, sa rétribution éternelle dès sa mort en un jugement particulier qui réfère sa vie au Christ. Il ne se prononce pas sur la forme que prendrait ce jugement, ni sur d’autres détails.
Au moment du jugement particulier, l’âme ne voit pas Dieu intuitivement : autrement, elle serait déjà béatifiée. Elle ne voit pas non plus l’Humanité du Christ, sauf faveur exceptionnelle, mais par une lumière infuse, elle connaît Dieu comme Souverain Juge, et aussi le Rédempteur comme Juge des vivants et des morts1.
Cela est résumé dans Regard par l’Ange gardien de l’Auteur : Cette lumière resplendissante est la Gloire de Dieu, c’est-à-dire l’éclat de Sa Sainteté. Dès l’instant où l’âme se sépare du corps, elle est en présence de la Gloire de Dieu : elle ne voit pas Dieu, mais l’éclat de Sa Sainteté.
Catherine de Sienne apporte plusieurs détails, elle qui est morte puis revenue à la vie, selon le témoignage de son confesseur, où elle affirme avoir vu l’essence Divine.
Maria Simma le confirme aussi, même si l’âme ne voit qu’une fraction de la lumière de Dieu2. Ce sont les âmes qui veulent se purifier avant de rejoindre Dieu. Elles se jugent et s’assignent elles-mêmes au Purgatoire, ce n’est pas Dieu qui les y place. Quant au « résumé de sa propre vie », que rapportent certaines personnes ayant eu une expérience de mort imminente (EMI), il faut se rappeler que tous ne le voient pas, et que les péchés confessés et réparés n’y apparaissent pas, afin que l’âme s’assigne elle-même sa juste niveau au purgatoire.
Le traité du purgatoire de sainte Catherine de Gênes rapporte que contrairement à l’idée répandue d’un jugement direct où l’âme est envoyée par Dieu dans le lieu qu’Il a jugé approprié, l’âme descend d’elle-même au Purgatoire ou en enfer : les âmes gravitent, si je puis parler de la sorte, comme naturellement vers les lieux divers qui leur sont destinés. Celle qui est souillée par le péché mortel n’attend pas qu’on la conduise dans le lieu des tourments où l’appelle la justice divine.
Plus encore, le même traité annonce que le Ciel est ouvert à tous, mais la pureté de Dieu est telle qu’une âme, souillée de la moindre tache, aimerait mieux se précipiter dans mille enfers, que de comparaître en cet état devant sa divine Majesté. Sachant donc que le purgatoire est le bain destiné à laver ces sortes de taches, elle y court avec empressement, et se précipite dans ces flammes, beaucoup moins occupée des douleurs qui l’y attendent que du bonheur d’y retrouver sa première pureté.
☩ Jésus-Christ confirme aussi à Catherine de Sienne, le cheminement « autonome » de l’âme au moment de sa mort vers le lieu qu’elle mérite selon son état pré-mortem. Et donne encore plus de détails dans ses dialogues. : Ainsi ni les uns ni les autres n’attendent leur jugement ; chacun, au sortir de cette vie, reçoit sa place comme je viens de t’expliquer. Ils goûtent à leur destinée, ils en prennent possession avant même de quitter le corps, à l’instant de la mort : les damnés par la haine et le désespoir, les parfaits par l’amour, par la lumière de la foi, par l’espérance du Sang ; les imparfaits, par la miséricorde et la même foi, entrent dans le séjour du purgatoire.
L’auteur de Regard rapporte aussi la même chose, alors qu’il assiste aux derniers instants d’un mourant. Et précise aussi : On ne saura jamais assez combien est fausse cette représentation d’un Dieu terrible qui, de son doigt accusateur, montre à une âme le Purgatoire ou l’enfer : non, Dieu est Amour, et l’amour attire tout à soi, il captive. L’éternité d’une âme n’est pas une décision de Dieu, un Dieu présenté comme vindicatif et vengeur ; elle est le libre choix de l’âme : il n’y a pas de décision en Dieu, mais seulement un acte d’amour unique ; Dieu est Amour.
Enfin, Catherine de Gênes rapporte dans le même chapitre précité, que Dieu enflamme l’âme d’un amour si ardent, et l’attire à lui avec tant de force, qu’il y aurait de quoi l’anéantir, si elle n’était immortelle. Mais en même temps, elle souffre de cruels tourments car ce désir violent de s’unir à Dieu est empêché par la souillure du péché. Cependant, dès que l’état de Purgatoire commence dans l’âme suite à cet empêchement, elle devient uniquement tournée vers Dieu et perd la mémoire sur les raisons de son jugement.
Elles ne se rappellent pas des raisons pour lesquelles elles sont en Purgatoire, ni même du mal ou du bien qu’elles ont pu faire pendant leur vie. Elles sont uniquement tournées vers la miséricorde de Dieu, et ni leur passé, ni même le sort des autres âmes en Purgatoire, ne leur importe. Car si elles y pensaient, elles penseraient à autre chose que Dieu, ce qui est impossible dans ce lieu où elles ont perdu toute liberté de faire autre chose que sa sainte Volonté.
Durée du purgatoire
Rappel
L’Église ne se prononce pas sur une durée précise : « l’homme pécheur doit subir une peine temporelle dans cette vie ou dans l’autre pour obtenir la pleine rémission de ses péchés et entrer dans le Royaume des cieux; que le Purgatoire existe et que les âmes qui y sont détenues sont aidées par les suffrages des fidèles et, surtout, par le précieux sacrifice de l’autel3 ». Cependant, plusieurs des sources que nous présentons, offrent un exemple de durée du purgatoire.
Sainte Thérèse d’Avila rapporte le cas de l’âme d’un prêtre qu’elle a vu « sortir du fond de la terre, et monter au ciel avec une grande allégresse », seulement quinze jours après sa mort.
Un cas particulier est celui de la délivrance du Purgatoire le samedi suivant la mort, pour ceux qui ont correctement porté le scapulaire du mont Carmel, avec tous les engagements nécessaires pour bénéficier ce qui s’appelle le privilège sabbatin, ainsi que le rappelle saint Alphonse de Ligori.
À ce propos, Thérèse d’Avila rapporte encore l’accès direct au Ciel sans passer par le purgatoire d’un prêtre carmélite qui fut très fidèle observateur de sa règle. Plus loin, elle parle aussi d’une délivrance de deux autres religieuses, dont elle vit les âmes sortir de terre et aller au Ciel, deux jours, ou quatre heures après leur mort respective. Elle cite enfin un jésuite, monté au Ciel alors qu’il était mort la nuit dernière.
Sœur Lucie dos Santos, visionnaire des apparitions des Fatima, parle d’une jeune fille de seize ans qui restera au purgatoire jusqu’à la fin du monde.
Maria Simma apporte plus de précision, et parle de 40 ans en moyenne. Certaines y sont simplement pour une demi-heure, d’autres jusqu’à la fin des temps, jusqu’au dernier jour, comme rapporté précédemment.
L’auteur du Regard sur le Purgatoire rapporte un chiffre similaire de 30 ou 40 ans pour la grande partie des âmes du Purgatoire. À l’inverse, il cite aussi les âmes éclairs, qui y passent quelques instants à peine, avant d’aller au Ciel. Plus loin, le même ouvrage cite la durée du Purgatoire d’une âme comme étant de 13 ans, ou bien 25 ans.
Peut-on tirer une généralité de ces exemples ? Cela serait exagéré. La durée du Purgatoire pour une âme en particulier, dépend de facteurs particuliers. Nous pouvons résumer avec Catherine de Gênes, qui reprend les paroles du Christ (Matthieu 5, 26) :
☩ Tenez pour certain que Dieu ne fait à ces âmes chéries aucune remise de la peine qu’elles ont méritée, et qu’elles ne sortiront de leurs cachots qu’après avoir payé jusqu’à la dernière obole ce qu’elles doivent à sa justice : Dieu l’a ainsi voulu et décrété.
Peines du purgatoire
Nous sortions de cette prison de douleurs quand j’entendis Dieu dire : « Ma Miséricorde ne veut pas cela, mais la justice l’exige. » Depuis ce moment, je suis en relation plus étroite avec les âmes souffrantes.
Selon la doctrine de l’Église, il y a deux sortes de peines au Purgatoire. La principale est celle de la privation temporaire de la vision de Dieu. Cette privation s’accompagne d’une souffrance inouïe. L’heure de l’union a sonné : l’âme brûle du désir de voir Dieu, mais elle ne peut contenter son désir, car elle n’a pas suffisamment expié, avant la mort, ses péchés. L’expiation s’achève donc au Purgatoire et revêt la forme d’une souffrance dont rien, ici-bas, ne peut donner l’idée. Il existe au Purgatoire d’autres peines, connues sous le nom de peines des sens ; l’Église ne s’est jamais prononcée sur leur nature exacte ; leur objet est de réparer l’attachement désordonné aux créatures.
Le catéchisme rappelle la possibilité d’un feu purificateur selon la tradition de l’Église, en se basant sur un texte du pape saint Grégoire le Grand.
Saint Robert Bellarmin propose 4 caractéristiques à ces peines :
- La première est que les peines du Purgatoire surpassent de beaucoup toutes les nôtres.
- La seconde, que pour l’ordinaire elles durent plus longtemps.
- La troisième, que les âmes qui endurent de si rudes peines sont hors d’état de se soulager elles-mêmes.
- La quatrième, que ces peines sont en très grand nombre.
Dans toutes, absolument toutes les sources et témoignages que nous proposons, la peine principale du purgatoire consiste en en désir violent de Dieu, qui ne peut être assouvi tant que l’âme reste souillée par les conséquences de son péché.
Faustine nous en donne un exemple, pendant qu’elle priait pour une religieuse défunte :
Pendant la sainte Messe, j’ai vécu un moment le supplice de cette sœur. J’ai ressenti dans mon âme une telle faim de Dieu qu’il me semblait mourir du désir de m’unir à Lui. Cela ne dura que peu de temps, mais j’ai compris ce qu’est cette nostalgie de l’âme au Purgatoire.
Catherine de Sienne parle d’une souffrance inimaginable : Nulle parole ne saurait les exprimer parfaitement. Si les pauvres humains voyaient ce qu’est un seul de ces tourments, le plus léger, ils aimeraient mieux mourir dix fois, si c’était possible, que de l’endurer un seul jour.
Concernant les souffrances physiques (ou du moins, qui ne sont pas spirituelles), Brigitte de Suède rapporte que les âmes en Purgatoire sont affligées par l’ouïe, parce qu’elles n’entendent que cris, douleurs, peines et misères, par la vue, car elles ne voient rien que leur misère, et enfin par l’attouchement, car elles sentent la chaleur intolérable du feu et la gravité des peines. Cela fait partie des peines des sens, sur la nature desquelles l’Église ne s’est jamais prononcée. En effet, les âmes du Purgatoire, tous comme celles au Ciel ou en enfer, sont actuellement de purs esprits et n’ont pas de corps. Elles ressusciteront avec un corps après le Jugement dernier.
Selon Camilla Battista da Varano, Jésus lui a dit qu’il n’y a ☩ aucune différence entre les peines de l’enfer et celles du purgatoire, si ce n’est que les premières dureront toujours, tandis que les dernières ne dureront qu’un temps, et que les habitants de l’enfer sont réduits au désespoir, pendant que les âmes du purgatoire demeurent résignées et contentes, souffrent en paix et rendent grâce à la justice de Dieu.
Catherine de Gênes propose une comparaison avec un homme affamé, qui désire ardemment un pain qui lui est inaccessible pour l’instant, cause d’une immense frustration qui se transforme en souffrance. Elle les résume simplement : Elles souffrent néanmoins des tourments si cruels, que ni le langage ne les peut exprimer, ni aucune intelligence ne les peut comprendre, à moins d’une lumière extraordinaire, que je crois avoir reçue, sans pouvoir toutefois rendre ce que j’ai vu.
Cette connaissance allume en elles un feu qui les dévore, feu absolument semblable à celui de l’enfer. Il y a cependant loin de leur état à celui des damnés, parce qu’enfin, si elles subissent la peine, elles sont exemptes de la culpabilité, qui rend les damnés toujours criminels, et oblige Dieu à leur soustraire sa bonté : ce qui les réduit au désespoir, et les fixe dans une volonté perverse entièrement opposée à la volonté divine.
Maria Simma et Regard sur le Purgatoire apportent une notion absente des autres sources : l’intensité de la peine dépend du niveau du Purgatoire dans lequel se trouve l’âme. Il existerait 3 niveaux, que Maria Simma ne nomme pas, mais que Regard nomme le Grand Purgatoire, le Moyen Purgatoire, et le Parvis4. Dans les deux sources, seules les âmes sur Parvis ou du niveau le plus élevé peuvent se manifester aux hommes pour réclamer leurs suffrages, leur attention ou leurs prières.
Regards détaille un élément important : les âmes de ce Grand Purgatoire n’ont pas la consolation d’avoir les visites de la sainte Vierge, et elles n’ont aucune connaissance des suffrages des vivants, même s’ils permettent tout de même d’abréger la durée de leur Grand Purgatoire. Il est décrit comme l’enfer, moins l’éternité des peines et la haine à l’encontre de Dieu et des autres âmes, moins le désespoir. En général, toutes les âmes qui doivent subir ces peines passent par le Grand Purgatoire avant d’entrer dans le Moyen Purgatoire. Très rares sont les âmes qui ne passent pas par le Grand Purgatoire. Elles y demeurent plus ou moins longtemps, parfois une minute, parfois des années, voire des siècles.
Voici un tableau récapitulatif des niveaux du Purgatoire selon Regard :
| Niveau | Joies/peines | Suffrages | Visites | Autre |
|---|---|---|---|---|
| Grand Purgatoire | Espérance aride, souffrance intense | Strictement rien (mais durée abrégée) | Entrevoient parfois leur Ange Gardien | Lueurs brèves de la joie céleste (échos assourdis) ; certitude d’être sauvé. |
| Moyen Purgatoire | Perception de l’infinie tendresse de Dieu | Perçoivent de temps en temps les suffrages | Visites fréquentes de Marie, des anges et des saints | Sont purifiées et éclairées ; prient pour l’Église militante. |
| Parvis du Ciel | Amour purifié (souffrance d’amour) | Perception accrue des suffrages | Visites très fréquentes de Marie, des saints | Avant-goût du Ciel (jubilation totale et suave) ; contemplent leurs Anges Gardiens. |
Pour Maria Simma, les âmes au troisième niveau inférieur du purgatoire doivent expier les péchés commis avant que nos prières, nos messes, et nos bonnes actions, puissent leur profiter. Et une partie de la souffrance à ces niveaux est de continuer à subir les attaques de satan.
Les niveaux supérieurs permettent une plus grande consolation de la part des saints, en particulier la Vierge Marie. Ainsi que de bénéficier des suffrages des vivants.
Nous pouvons mentionner spécialement les enfants avortés ou morts sans baptême, dont parlent plusieurs sources et témoignages. Rappelons d’abord que l’Église les confie à la Miséricorde de Dieu. En accord avec la Tradition, Maria Simma rapporte qu’ils vont dans les limbes, et qu’il est de la responsabilité de leurs parents de célébrer pour eux une messe de Requiem ou un baptême des enfants non-nés. Ainsi que de leur donner un nom et une place dans leur famille.
Plus loin, elle mentionne aussi quelques adultes qui vont aussi dans les limbes. Sans qu’elle donne plus d’explications, on peut supposer qu’il s’agit d’adultes mentalement diminués, incapables de poser des actes libres, dont de pécher.
Pour Regard, les limbes sont un Ciel sans la gloire de la vision béatifique de Dieu, ou un enfer sans nulle souffrance, je ne sais comment l’expliquer. Il y a là une forme de bonheur qui n’est pas cependant la béatitude céleste.
Consolations au purgatoire
La note théologique de Regard synthétise ainsi :
Les peines du Purgatoire ne sont pas les mêmes pour toutes les âmes. Elles varient, quant à leur durée et leur intensité, selon la culpabilité de chacun.
Les âmes du Purgatoire reçoivent sereinement les souffrances expiatrices que Dieu leur inflige ; elles ne cherchent, en effet, que la gloire de Dieu et désirent ardemment contempler Celui qui est désormais toute leur espérance.
Il règne au Purgatoire une grande paix, et même une certaine joie, car les âmes ont la certitude de leur salut et regardent leur peine comme un moyen de glorifier la Sainteté de Dieu et de parvenir à la vision glorieuse. Les souffrances du Purgatoire, n’étant plus méritoires, n’augmentent pas la charité dans l’âme qui les subit.
Le catéchisme ne se prononce pas sur les consolations qui pourraient exister au Purgatoire. Néanmoins, quel que soit leur état, ces âmes savent qu’elles sont sauvées et que chaque seconde en Purgatoire les rapproche de Dieu. Comme disait une âme à Regard :
Je ne sais pas si je resterai longtemps au Purgatoire, et ce n’est pas une préoccupation pour moi : nous n’y pensons même pas. Notre seul souci est de glorifier Dieu et, si je viens à toi, c’est pour t’inviter à en faire autant en priant pour nous. Quand vous priez pour nous, vous glorifiez l’Amour divin, vous chantez la Miséricorde infinie de Dieu en unissant votre prière à la nôtre. Priez sans cesse pour nous, comme nous prions pour vous.
Elles ont une conscience de Dieu beaucoup plus poussée que lorsqu’elle était sur la Terre, et ne voudraient absolument pas y retourner, tant elles savent que le Purgatoire leur ouvre les portes du Ciel. Jésus-Christ a dit à Camilla Battista da Varano :
*☩ Les âmes du purgatoire demeurent résignées et contentes, souffrent en paix et rendent grâce à la justice de Dieu.
Selon Catherine de Gênes, ces pauvres âmes jouissent donc de la plus profonde tranquillité en même temps qu’elles subissent le plus horrible tourment, sans que l’un nuise à l’autre.
Une autre âme dit à l’auteur de Regard :
Sais-tu que les anges viennent nous voir ? Ils nous réconfortent par leurs chants, ils publient sans cesse la Gloire de Dieu, et honorent avec amour et respect leur Reine. Cela nous enflamme d’amour et accroît notre désir, et nous nous joignons avec reconnaissance à leur louange continuelle. Parfois, la très Sainte Vierge leur remet des prières pour qu’eux-mêmes viennent nous les apporter comme des ondées rafraîchissantes qui nous soulagent.
Cette action de la Vierge Marie sur les âmes du Purgatoire est confirmée par sainte Faustine dans l’une de ses visions :
Et je demandai à ces âmes quelle était leur plus grande souffrance. Elles me répondirent d’un commun accord que c’était la nostalgie de Dieu. J’ai vu la Sainte Vierge visitant les âmes du Purgatoire. Elles l’appellent « Étoile de la mer ». Elle leur apporte du soulagement.
Regarde le confirme aussi :
Quand elle se trouve au Purgatoire, elle jouit parfois (surtout à l’occasion de certaines fêtes liturgiques) de visites de son Ange, de la très Sainte Vierge, de certains saints : elle les voit en Dieu, les contemple en Lui qui reste encore caché.
Cela concernerait seulement les âmes du Moyen Purgatoire, où elles jouissent de consolations et de joies très grandes, qui non seulement les comblent d’allégresse et de reconnaissance, mais encore enflamment leur désir de voir Dieu, et attisent de cette façon cette grande souffrance du désir de Dieu.
Relation entre les vivants et les âmes qui sont en Purgatoire
L’Église appelle officiellement à la prière des vivant envers les défunts, sans se prononcer sur un potentiel échange de prière, des morts envers les vivants. Cette position peut être résumée dans l’extrait suivant5 :
Les âmes du Purgatoire, incapables de se procurer à elles-mêmes le moindre soulagement, peuvent ainsi profiter des œuvres satisfactoires que les vivants accomplissent en leur faveur avec l’intention de payer leurs dettes. Ces œuvres satisfactoires ont valeur d’expiation parce qu’elles expient la peine des âmes du Purgatoire en offrant pour elles une compensation ; Dieu règle selon sa Sagesse l’application des suffrages aux défunts. La messe est le secours le plus efficace que l’Église de la terre puisse fournir à l’âme qui se purifie : ne nous donne-t-elle pas, en effet, le sacrifice offert par Jésus sur la Croix pour le salut du monde ? L’aumône, la prière, ainsi que toutes les formes de sacrifice, sont également un moyen d’aider “nos bonnes amies souffrantes” (sainte Marguerite-Marie).
Saint Thomas d’Aquin pense néanmoins que : « les âmes des morts peuvent avoir souci des affaires des vivants, même si elles ignorent leur état ».
Cependant, la prière des morts pour les vivants est du même ordre que celle d’un vivant qui prierait pour un autre vivant. Un peu à la manière de quelqu’un qui demande à un ami de prier pour un autre ami.
Il continue : *les morts, à ne considérer que leur condition naturelle, ne savent pas ce qui se passe en ce monde, surtout dans l’intime des cœurs. Mais, nous dit S. Grégoire, les bienheureux découvrent dans le Verbe ce qu’ils doivent connaître de ce qui nous arrive, même quant aux mouvements intérieurs du cœur. Or il convient par-dessus tout au rang élevé qui est le leur, qu’ils connaissent les demandes qui leur sont faites oralement ou mentalement. Ils connaissent donc les prières que nous leur adressons, parce que Dieu les leur découvre.
Ceux qui sont en ce monde ou dans le purgatoire ne jouissent pas encore de la vision du Verbe. Ils ne peuvent donc pas connaître ce que nous pensons ou disons. C’est pourquoi nous n’implorons pas leurs suffrages par la prière, sinon en ce qui concerne les vivants, par nos demandes.
Nous avions abordé plus haut, la notion du Grand Purgatoire, selon laquelle les âmes dans les niveaux les plus profonds ne pouvaient pas bénéficier des suffrages des vivants.
Cela est corroboré par sainte Faustine, qui raconte la vison d’une religieuse en Purgatoire. Elle lui disait que toutes les prières de sa communauté religieuses qui lui avaient été adressées, avaient en fait profité à d’autres âmes.
Faustine rapporte encore plus loin :
À un certain moment, je suis entrée dans la chapelle pour cinq minutes d’adoration, et je priais pour une âme en particulier. J’ai alors compris que Dieu n’accepte pas toujours nos prières pour les âmes pour lesquelles nous prions, mais qu’Il les destine à d’autres âmes. Ainsi, nous ne leur apportons pas toujours le soulagement espéré lorsqu’elles souffrent dans le feu du Purgatoire. Pourtant, notre prière n’est jamais perdue.
Pour Maria Simma ajoute un élément absent des autres témoignages :
Elles nous voient tout le temps. Elles entendent chaque mot que nous prononçons sur elles et elles connaissent nos souffrances. Mais elles ne connaissent pas nos pensées. Elles regardent leurs propres funérailles et savent qui est là pour prier ou pour être vu par les autres.
Regard rapporte les propos d’une âme du Purgatoire sur la valeur des suffrages des vivants, tout particulièrement la messe :
Ce qui m’est réconfortant est que l’on fasse dire des messes pour les âmes du Purgatoire : non seulement pour moi, mais pour nous tous. Car Dieu reçoit vos prières, et Il les remet à Sa Mère très Sainte, lui en confiant l’application aux âmes du Purgatoire
Et pourtant, ces bonnes âmes, qui sont assurées de leur salut éternel et qui s’oublient totalement pour la seule gloire de Dieu, sont si pleines de gratitude à notre égard lorsqu’elles sont parvenues à la béatitude du Ciel ! Il m’a été montré, encore une fois, que ce qui les soulage et console le plus, c’est l’offrande du saint sacrifice de la messe, et qu’il nous faut offrir messes et suffrages à leurs intentions. Et aussi que le saint rosaire leur procure des consolations inestimables, dès lors que nous en méditons les mystères avec recueillement et que, à chaque dizaine, nous ajoutons un Ave en faveur des âmes souffrantes. Nous avons beaucoup à apprendre d’elles : souffrir, se taire, prier, aimer et adorer, bref, se livrer tout au Pur Vouloir divin.
Comme je faisais l’heure sainte à l’intention des âmes du Purgatoire, il m’a été montré que nous pouvons, par nos prières et nos sacrifices, soulager beaucoup la souffrance de ces âmes, leur abréger même le temps de la purification. La sainte messe, tout particulièrement, a une valeur inestimable si elle est offerte à leur intention, surtout quand elle est entendue avec recueillement et en semaine. J’ai vu aussi la valeur des œuvres de charité, comme les visites aux malades, la pratique de l’aumône, l’accueil. Dieu convertit tous nos efforts et notre bonne volonté en grâces d’assistance et de secours pour ces saintes âmes, qui nous en sont on ne peut plus reconnaissantes.
Ces suffrages sont aussi nos pensées et nos prières quotidiennes :
_Tu sais combien nous attendons de vous des prières, des actes d’amour, des pensées ! La plus petite prière nous est ce qu’un verre d’eau fraîche serait à une personne mourant de soif dans le désert ; la plus petite pensée, même fugitive, est une brise légère dans ce désert de feu, ce feu d’amour qui nous brûle ! Si tu savais tout !.
[…]Sais-tu que la prière pour les âmes du Purgatoire est une de vos contributions à l’unité du Corps mystique ? Ut unum sint ! Que nous soyons tous un dans notre Unique…
Plus loin, une autre âme dit que Dieu montre quelques fois au Purgatoire, des intentions de prière pour les vivants :
Ici, nous prions pour vous, pour l’Église militante, à toutes ses grandes intentions, lorsque Dieu veut bien nous les montrer : mais Il ne le juge pas toujours nécessaire. C’est pour nous une très grande consolation. Ici, c’est un monde de prière, de prière réparatrice… Nous prions pour l’extension du Royaume de Dieu, pour la venue de Son Règne d’Amour et de Paix : c’est-à-dire pour la conversion des pauvres pécheurs, et pour la sanctification des âmes. Que la prière soit l’instrument de l’unité entre le Ciel, le Purgatoire et la terre ! »
En ce qui concerne les apparitions d’âmes que l’on appelle les fantômes, Regard reconnaît leur existence, tout en appelant à la prudence envers les manifestations démoniaques. Il s’agirait d’âmes du moyen purgatoire6 ou du parvis (selon ses propres termes), les âmes du Grand Purgatoire n’ayant aucune moyen de se manifester. L’auteur a par exemple l’apparition d’une âme qui est restée 13 ans dans le parvis7.
Pour résumer, les âmes qui sont Purgatoire voient et prient pour les vivants, mais n’interagissent jamais avec eux, sauf permission exceptionnelle de Dieu pour encourager les vivants à leur offrir des prières ou des suffrages (messe et aumônes). Nous pouvons aussi leur offrir notre communion lors de la messe, cela aide puissamment à leur délivrance.
Délivrance du purgatoire
La délivrance du purgatoire peut être hâtée par les suffrages des vivants : la prière, les aumônes (renoncement volontaire au confort, don de sa propre souffrance), et surtout la sainte messe.
Le saint Curé d’Ars rapporte une âme immédiatement libérée au moment de l’élévation des espèces consacrées, lors d’une messe célébrée par lui-même.
Sainte Marguerite-Marie rapporte que trois mois de pénitence offertes à une âme du Purgatoire lui ont valu sa délivrance finale.
Concernant la forme que prend cette délivrance, sainte Thérèse d’Avila rapporte plusieurs fois, mais pas tout le temps, que les âmes sortent de terre pour monter au Ciel.
Regard rapporte qu’au terme de leur purification, l’âme désormais sans péché rentre au Ciel et est accueillie par la très sainte Vierge Marie, les Anges et tous milliards de saint du Ciel, qui adorent la très Sainte Trinité, pour les siècles des siècles.
À noter le rôle de l’Ange gardien, qui selon Regard et Maria Simma, accompagne l’âme jusqu’au Ciel lors de sa délivrance, puis se sépare d’elle. Il ne reçoit qu’une seule mission dans toute son existence, et n’aidera plus jamais personne d’autre.
Moyens d’éviter le Purgatoire
Rappel
Dieu, dans son Amour, nous veut au Ciel avec lui. Il ne nous veut ni au Purgatoire, et encore moins en enfer. C’est par sa Miséricorde qu’il a créé le Purgatoire, comme un moyen de le rejoindre dans la joie du Ciel, même si cela doit passer par des souffrances méritées et plus ou moins longues.
Rappelons tout d’abord que l’Église met à notre disposition, le trésor de l’indulgence plénière, par laquelle les fidèles peuvent obtenir pour eux-mêmes et aussi pour les âmes du Purgatoire, la rémission des peines temporelles, suites des péchés. Une indulgence plénière demande toujours au minimum une confession préalable, ce qui permet donc à une âme de se retrouver sans le péché, ni sa rouille qui lui vaut le Purgatoire. Ceci, jusqu’aux prochains péchés qui seront commis.
Le moyen classique d’éviter le Purgatoire, est le même qui permet d’aller au Ciel : vie de prière, sacrements (messe, confession, onction des malades), charité envers sois-même et son prochain, regret et réparation des péchés, confiance dans la Miséricorde de Dieu, jeûne, pénitence. Concernant le péché, on distingue 2 sortes de contrition (regret) :
- la contrition imparfaite, qui nous fait regretter le péché à cause de la peine qu’on mérite en toute justice.
- la contrition parfaite, qui nous fait regretter le péché à cause de l’ingratitude que cela représente pour Dieu, qui nous donne de si grandes grâces tous les jours, que nous ne méritons pas, et que pourtant nous crucifions encore sur la croix à cause de nos péchés.
La contrition est selon le concile de Trente “une douleur de l’âme et une détestation du péché commis avec le propos de ne plus le commettre à l’avenir.” Elle est parfaite dans le sens où on regrette la faute non pas pour le mal qu’elle a causé aux hommes ou à sois-même, mais parce qu’elle blesse Dieu dans ses commandements et dans l’amour qu’il nous porte. Ce serait comme offenser ou blesser volontairement notre propre père qui nous aime de façon inconditionnelle. Le regret qu’on en aurait serait plus fort que le fait d’avoir blessé un inconnu, et d’aller en prison pour cela.
Nous avons déjà parlé précédemment du privilège sabbatin, pour ceux qui portent le scapulaire du Mont-Carmel. Il ne s’agit pas stricto-sensu d’un moyen d’éviter le Purgatoire, mais plutôt de le raccourcir à une semaine maximum de temps humain, tout en gardant à l’esprit que le temps spirituel n’est pas du tout le même.
Jésus-Christ dit à Catherine de Sienne que la souffrance, mêlée à une contrition parfaite, permet à l’âme d’éviter le Purgatoire :
☩ Ainsi tu as compris comment la souffrance expie la faute, en vertu de la parfaite contrition du cœur, non à raison de la peine elle-même qui est finie. Non seulement elle satisfait pour la faute, mais aussi pour la peine qui en est la suite, chez ceux dont la contrition est parfaite, comme je te l’ai dit ; elle satisfait pour la faute, chez tous ceux qui, purifiés du péché mortel, reçoivent la grâce ; mais s’ils n’ont pas une contrition et un amour suffisants pour satisfaire à la peine, ils vont souffrir dans le Purgatoire où s’achève leur purification.
Rappelons ce que dit sainte Thérèse de Lisieux, à propos du Feu de l’Amour qui est plus sancitifiant que celui du Purgatoire :
aussi, je ne puis craindre le purgatoire. Je sais que par moi-même je ne mériterais pas même d’entrer dans ce lieu d’expiation, puisque les âmes saintes peuvent seules y avoir accès. Mais je sais que le Feu de l’Amour est plus sanctifiant que celui du purgatoire. Je sais que Jésus ne peut désirer pour nous de souffrances inutiles et qu’Il ne m’inspirerait pas les désirs que je ressens, s’Il ne voulait les combler.
De même, don Bosco parlait ainsi à un condamné à mort dont le salut éternel lui importait beaucoup. Sa mort acceptée avec résignation lui ouvrirait tout de suite le Paradis, tel le bon larron sur la croix.
Maria Simma rapporte le cas d’une femme, grande pécheresse, qui est montée directement au Ciel suite à un accident avec un train. Voyant la mort arriver, elle regretta ses péchés en disant à Dieu : c’est très bien que tu me prennes parce qu’au moins maintenant je ne pourrais plus t’insulter. Cette phrase ou pensée a presque tout effacé et elle est montée au Ciel sans passer par le purgatoire
☩
Footnotes
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R. Garrigou-Lagrange, O.P., L’éternelle vie et la profondeur de l’âme, Desclée 1953, p. 96) ↩
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Théologiquement, seule une âme en parfait état de grâce peut voir Dieu au moment de sa mort, car alors elle rentre directement au Ciel. Une âme encore souillée par la peine du péché ne peut pas voir Dieu dans sa plénitude, car c’est une grâce uniquement accordée aux âmes saintes, ce qui est incompatible avec leur état de péché qui n’a pas encore été purifié par le purgatoire. ↩
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P. Monsabre, Exposition du Dogme catholique. Carême 1889. Lethielleux. 1901, pp 221 ↩
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Il n’y a qu’un Purgatoire. L’Église ne s’est jamais prononcée sur un triple aspect: Grand, Moyen Purgatoire, Parvis du Ciel. Mais par analogie avec le progrès spirituel (conversion - progrès - perfection) bien décrit par saint Paul, Phil. 3, 12-14, il y a convenance à contempler la purification dans ses trois phases successives. Toute l’œuvre de saint Jean de la Croix, qui assimile purification et purgatoire, en est une illustration. ↩
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ibid, p. 160 ↩
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ibid, p. 64 ↩
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ibid, p. 132 ↩
